Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1900 - tome 157.djvu/432

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

complètement séparée. Elle présente aujourd’hui à peine 3 000 hectares de superficie ; et ses deux faces, celle qui domine le large et celle qui est tournée vers le continent, ont deux aspects tout à fait différens : la première abrupte, hérissée de falaises déchiquetées de 40 mètres de hauteur, contre lesquelles viennent se briser les vagues de la « mer sauvage ; » l’autre beaucoup plus adoucie, flanquée seulement, de distance en distance, de rochers qui s’avancent comme des môles naturels, perpendiculairement au rivage, entre lesquels se déposent des sables formant des plages assez douces et présentant une série de petites baies assez bien abritées.

C’est dans une de ces anses que se trouve le principal port de l’île, Port-Joinville ou Port-Breton. Sur la face opposée, on a utilisé un des nombreux fiords qui découpent la côte pour y créer un abri, le petit port de la Meule, muni de quelques cales, à l’usage seulement des bateaux de pêche ; mais la mer y est presque toujours d’une extrême violence. Port-Joinville seul présente quelques ressources à la navigation ; c’est une crique naturelle, bien défendue par une petite jetée et un grand brise-lames, et dont le mouvement commercial, entrées et sorties, atteint encore près de 10 000 tonnes.

Il est à peu près certain que l’île d’Yeu faisait partie de l’archipel qui, au dire de Pline, formait un groupe très nombreux dans la région de l’embouchure de la Loire et s’appelait « les îles Vénétiques[1], » et qu’elle a été connue et fréquentée par les Vénètes qui occupaient la majeure partie du sol de la vieille Armorique et paraissent avoir été de tous les peuples de la Gaule ceux qui ont le plus fréquenté l’Océan. Il est moins probable qu’elle fut comprise dans les escales que les navigateurs phéniciens faisaient sur nos côtes dans leurs voyages incessans du détroit de Gadès aux îles Cassitérides. Aucun itinéraire, aucun géographe classique n’en fait mention. La mer, toujours très mauvaise aux approches de l’île, devait la rendre fort peu hospitalière. On n’y a trouvé aucun vestige de l’occupation romaine, mais en revanche un nombre considérable de monumens mégalithiques, de dolmens et de ces pierres branlantes ou d’équilibre qui caractérisent les vieilles mœurs celtiques. Quoique habitée depuis longtemps par une population autochtone, l’île d’Yeu n’est fort nettement mentionnée que par le cosmographe anonyme

  1. Insulæ complures Venetorum quæ et Veneticæ appellantur, Plin., IV, XXXIII (XIX), 2.