savans et le plus habile entre les critiques allemands : et d’ailleurs l’ouvrage qu’il vient de faire paraître est lui-même tout rempli de jugemens ingénieux et solides, qui attestent à la fois la sûreté et la variété de son érudition. N’était la fâcheuse habitude qu’a M. Meyer de chercher sans cesse des points de comparaison dans les littératures étrangères, — ce qui le conduit, par exemple, à placer successivement Rückert et Freiligrath au-dessus de Victor Hugo, — n’était cette habitude, et aussi un parti pris général sur lequel j’aurai à revenir tout à l’heure, on pourrait dire que la plupart des notices où il résume la vie et l’œuvre des écrivains allemands du XIXe siècle sont des modèles de critique instructive et familière, telle qu’on aimerait à la trouver dans un dictionnaire ou une encyclopédie. Mais, par malheur, ces notices ne font point partie d’un dictionnaire ni d’une encyclopédie. Elles ont la prétention de se rattacher l’une à l’autre, de dépendre l’une de l’autre. Et l’ensemble du livre produit une si forte impression de chaos que non seulement le lecteur perd de vue, à tout instant, le lien qui peut exister entre ces notices : il se trouve même souvent empoché de profiter de ce que contient de renseignemens précieux chacune des notices en particulier. Un chaos, un gigantesque désordre de noms et de faits, telle apparaît, en fin de compte, cette Histoire de la littérature allemande au XIXe siècle, malgré tout le savoir, tout le talent, et toute l’habileté de l’auteur.
La faute en est d’abord, sans doute, aux dimensions du livre. Une étude du genre de celle-là doit forcément se borner à être un résumé ; et un résumé de mille pages risque forcément de sembler bien confus. Disposant d’un espace aussi considérable, l’auteur se croit tenu d’être aussi complet que possible. Et le fait est que M. Meyer, dans ses mille pages, cite certainement plus de mille écrivains : ce qui n’empêche pas son énumération de rester incomplète, au point que j’y ai vainement cherché, entre autres noms, celui du philologue et musicographe Otto Jahn, dont l’admirable Vie de Mozart, abstraction faite de sa valeur propre, a inauguré une manière nouvelle dans la biographie et la critique artistiques. Du moins, à défaut de ce nom-là, M. Meyer en cite-t-il des centaines d’autres que le XXe siècle va probablement s’empresser d’oublier ; et cet interminable déballage de médiocrités ne laisse pas de contribuer à fatiguer et à dérouter l’attention du lecteur. Mais le principal défaut du livre n’est point d’être trop long : son principal défaut est d’être mal composé, sur un plan et d’après une méthode qui auraient suffi, à eux seuls, pour en rendre la lecture à peu près