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spectacle ? Le progrès s’arrêterait-il ? Est-ce que, dans le siècle qui va naître, nous allons rebrousser chemin ?


I

Cette guerre néfaste, si l’on en veut bien comprendre les causes et bien connaître les origines, il faut remonter dans l’histoire.

A deux reprises, au cours du XVIIIe siècle, la Hollande a tenté d’essaimer en une colonisation d’outre-mer : vers l’Amérique, en 1628, vers le Cap en 1650 ; et, toutes deux, ces colonies sont tombées aux mains des Anglais, toutes deux par voie d’usurpation. New-York fut occupé en pleine paix par le colonel Nicholson, en l’an 1646 ; le Cap le fut en 1805, lors de la guerre entre la France et l’Angleterre, par le général Baird. La Hollande, étant la moins forte, fut forcée de céder sa colonie américaine par le traité de Bréda de 1667, et sa colonie du Cap par la convention de Londres, du 13 avril 1814.

Le bruit, d’après lequel le prince d’Orange aurait vendu le Cap n’est qu’un faux bruit : les recherches historiques de M. Heeres l’ont démontré. Tout au contraire, son ministre des Affaires étrangères, Nagoll, a résisté jusqu’au bout ! Mais lord Castlereagh lui opposa sa déclaration formelle : « Notre parti est pris ; c’est à nous de juger ce qu’il nous convient de rendre ou de garder de vos colonies[1]. » La somme payée par l’Angleterre était destinée non pas à remplir la bourse princière, mais à dédommager le roi de Suède de la cession qu’il faisait de l’île de la Guadeloupe, ainsi qu’à la construction de fortifications contre la France sur sa frontière du Nord[2]. Les colons le comprirent bien ainsi. L’explication malveillante d’un abandon intéressé ne leur fut souillée que plus tard. Mais, en ce temps-là, tous étaient encore convaincus que l’Angleterre avait forcé la main à leur mère patrie. Et quand le prince d’Orange visita le Cap, en mai 1838, il fut acclamé par ses anciens compatriotes avec un enthousiasme frénétique. Dans l’occupation du Cap, en 1805, l’Angleterre vit non pas une question de droit, mais ce que M. Chamberlain devait, plus tard, baptiser du nom de paramountcy. Comme elle avait perdu ses riches colonies d’Amérique et sentait la nécessité

  1. Werken van de Maatschappij van letterkunde, 1896-97, p. 69.
  2. Article additionnel de la convention de Londres, 1er, 2e et 3e. Lagemans Recueil des Traités, etc., La Haye, 1858, t. I, p. 34-38.