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LA CRISE SUD-AFRICAINE

Le XIXe siècle touche à sa fin. Il s’ouvrit par de belles promesses de liberté, et par des revendications de droits violés. D’abord il répondit à une si grande attente, et se fit l’initiateur de bien des réformes émancipatrices. Pourquoi faut-il que maintenant, prêt à retomber au passé, il soit souillé, presque à sa dernière heure, par une guerre d’usurpation que rien ne saurait justifier ?

Quelles magnifiques espérances d’avenir la Conférence de la Haye n’avait-elle pas pourtant fait éclore au cœur des nations, courbées sous le fardeau de plus en plus lourd des charges militaires ! L’arbitrage allait désormais résoudre, sans qu’on eût recours aux armes, les querelles entre les États ; et voici que l’Angleterre, aujourd’hui, — l’Angleterre, qui en fut à la Haye l’une des plus zélées promotrices, — à la première menace de guerre, s’obstine à le repousser et ne le connaît plus ! Une fois encore, la nuit de Noël a fait retentir le message angélique : « Paix sur la terre ! » jusque parmi les indigènes accourus aux humbles chapelles de nos missionnaires ; et voici que stupéfaits, ces sauvages assistent à une lutte meurtrière entre chrétiens et chrétiens, pour voir qui des chrétiens d’Europe ou des chrétiens d’Afrique finira par avoir le dessus. De tout temps, l’Angleterre s’était fait gloire d’être le champion de l’indépendance des peuples faibles et opprimés ; et voici que, là-bas, les vieillards de 70 ans et leurs petits-fils de 14 doivent escalader de toutes parts les rochers pour guetter les soldats anglais qui s’apprêtent à anéantir la liberté de leur patrie.

Un cri de détresse s’est élevé, un cri de la conscience européenne, qui se révolte, non pas cette fois contre le Turc, mais contre le pays des Burke et des Pitt, contre ce pays jadis si fier de son amour inné de la justice. N’est-ce pas un désolant