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Page:Revue des Deux Mondes - 1900 - tome 157.djvu/54

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citoyens, conformément à la théorie individualiste, on prit pour cadres électoraux les subdivisions du territoire, mais on admit en même temps une certaine proportion entre la population des circonscriptions et le nombre de mandataires qui leur était respectivement attribué. En France, la constitution de 1791 fixa une triple base pour déterminer le nombre des représentans assigné à chaque circonscription : le chiffre des habitans, l’étendue du territoire, et le montant des contributions. Une proportionnalité aussi complexe ne pouvait s’établir que très approximativement. La constitution de 1793, et toutes les constitutions qui se sont succédé en France jusqu’à nos jours, ont exclusivement fondé sur la population le nombre des députés ; d’après la constitution de 1793, la proportion était d’un député par quarante mille individus ; d’après celle de 1852, d’un député par trente-cinq mille électeurs. Le scrutin de liste se prête davantage à ce genre de proportionnalité ; mais il force à remanier périodiquement le chiffre des sièges accordés à chaque circonscription, et il aboutit à des inégalités considérables dans l’importance des députations : c’est ainsi qu’en Belgique on trouve, à côté de districts nommant un, deux ou trois députés, des circonscriptions qui en élisent 11 et 18. Le scrutin uninominal exige des remaniemens plus fréquens encore. La loi française du 13 février 1889, qui a attaché un siège à chaque arrondissement, prévoit le fractionnement des circonscriptions où la population dépasse 100 000 habitans ; ce qui ne laisse pas de maintenir, en fait, d’étranges disproportions entre des arrondissemens de moins de 20 000 âmes, comme Barcelonnette, et des circonscriptions de plus de 100 000, ainsi qu’il s’en rencontre dans le département de la Seine, et ailleurs encore. Ce sont là autant de tentatives pour établir sinon une proportionnalité absolue, — qui reste irréalisable dans n’importe quel système, parce qu’il y aura toujours des excédens trop faibles pour mériter un siège, — du moins une proportionnalité aussi exacte que possible, ayant pour base l’existence d’intérêts locaux et leur droit d’être représentés dans la mesure de leur importance.

Or, c’est précisément le choix de cette base qui tend à fausser le régime représentatif, en le faisant reposer sur une fiction et non sur la réalité des faits. Il est certain qu’il y a partout des questions locales, et il serait absurde de soutenir qu’elles n’entrent pour rien dans les contestations électorales. Mais leur rôle est absolument secondaire, chez les peuples, — et c’est la généralité,