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Page:Revue des Deux Mondes - 1900 - tome 157.djvu/594

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centaine de francs de notre monnaie, et ce n’était pas le plus coûteux de son espèce : un couvre-chef garni de perles montait, sous Philippe le Bel, à plus de 400 francs de nos jours.

Plus tard, quand le chapeau de castor se vendait 80 francs, comme sous Louis XIII, ou même 40 francs, ainsi qu’à la fin de la monarchie, et que les chapeaux communs, en vigogne, allaient de 20 à 30 francs, le peuple portait des bonnets de coton ou de laine, unis ou bigarrés, plats ou pointus, mais toujours de petit prix : 1 fr. 60 à 3 francs. Le chapeau faisait partie de certaines livrées ; pour les laquais ou les valets de ville, les bourreaux ou les croque-morts, ils valaient de 10 à 25 francs suivant le galon dont ils étaient ornés. Le chapeau commença à se répandre lorsque l’industrie, pour quelques francs, put en établir de durables : les « bonnetiers, » l’un des six anciens corps d’état de Paris, — dont le nom allait devenir un contresens, puisqu’ils se mirent à vendre des bas, — durent se consacrer aux extrémités inférieures de la généralité des citoyens, dont la tête leur échappait. Mais le chapeau était, en 1793, encore assez aristocratique, puisque le bonnet jacobin put être présenté au prolétaire comme le symbole de l’égalité.

Dans la toilette féminine, le bonnet s’est montré plus opiniâtre, mais il est manifestement vaincu. « Jeter son bonnet pardessus les moulins, » ou « avoir la tête près du bonnet, » sont des métaphores archaïques que nos petits-neveux ne comprendront plus sans commentaires. Bonnets enrubannés des douairières, que prenaient les dames décidément mûres, le jour où elles arboraient la vieillesse, le renoncement aux prétentions et aux conquêtes ; bonnets tuyautés des ouvrières et des servantes, emblème si palpable de vertu, que la bonne « portant chapeau » n’avait guère chance de se placer dans les ménages bourgeois, qui flairaient sourcilleusement chez elle l’inconduite ; tous ces bonnets ont disparu des villes, et la fille des champs délaisse à son tour sa fanchon d’indienne ou son hennin féodal pour le chapeau à fleurs de trois francs cinquante.

Ce n’est pas que nos contemporaines se soient résignées au niveau économique sous lequel se complaît le sexe fort ; celles qui se piquent de « braverie, » comme disaient nos grand’mères, se dérobent tant qu’elles peuvent à l’uniforme de ce siècle désempanaché et, faute de se tirer du commun par la forme de leurs chapeaux, elles s’en distinguent au moins par le prix de leur modiste.