premières, que les plumes d’autruche, dont le commerce à l’état brut est centralisé en Angleterre, passent et repassent le détroit pour se faire teindre, friser et préparer en France en vue de la vente.
Si les ailes d’alouette ou de pie, gouachées à la main afin de singer celles des papillons, si la plume des dindes ou des canards, convenablement travestie, orne aujourd’hui les chapeaux les plus soignés ; si l’on y voit figurer la dépouille du gibier le plus vulgaire, faisan ou perdrix, des oiseaux de mer ou d’eau douce les plus répandus, tels que goélands ou martins-pêcheurs, les espèces exotiques jouent néanmoins un rôle beaucoup plus grand que jadis. La liste est innombrable de celles qui sont importées chaque saison ; leur énumération ressemblerait à un catalogue d’histoire naturelle. Du condor au bengali, du colibri d’Amérique au lophophore d’Indoustan, il est mis couramment en œuvre aujourd’hui mille plumages rares ou inconnus de nos pères, comme ceux de ces oiseaux aux couleurs étincelantes qui peuplent les forêts du continent africain.
Tout ce contingent, étranger ou indigène, n’est cependant, en terme de plumassier, que de la « fantaisie. » C’est ainsi que l’on dénomme tout article autre que la plume d’autruche ; et en effet celle-ci représente, à elle seule, un trafic plus important que toutes les autres ensemble. Venu d’Orient au moyen âge, ce luxe n’avait fait que croître jusqu’à la Révolution ; les panaches qui, durant la guerre de Cent ans, illustraient le heaume des chevaliers et le chanfrein ciselé de leurs chevaux étaient passés, au temps de Marie-Antoinette, dans les cheveux des femmes de qualité.
Les plumes dont on faisait usage en Europe, au XVIe siècle, provenaient presque toutes des États barbaresques ; l’autruche était alors commune dans le nord de l’Afrique et du Sahara. Les indigènes de l’intérieur la chassaient avec acharnement et vendaient sa dépouille, par l’intermédiaire des caravanes, aux navires provençaux ou génois qui touchaient sur le littoral. Au siècle suivant, comme la consommation augmentait, les habitans d’autres pays, où l’autruche vivait en troupes nombreuses, entreprirent ce commerce de plus en plus lucratif. On vit entrer dans la circulation les plumes d’ « Égypte, » qui venaient du haut Nil et de Nubie ; celles du « Yémen », exportées de la péninsule Arabique ; celles de « Syrie, » originaires de la Mésopotamie et du plateau de l’Iran. Enfin, dans les dernières années du XVIIIe siècle, apparurent les « plumes du Cap » et celles du Sénégal,