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variété botanique. Les presses qui servent à découper les feuilles, et les moules d’acier gravés en creux, au moyen desquels on leur imprime les ondulations nécessaires, ont subi une transformation profonde. A Paris, la gravure de ces moules produit des chefs-d’œuvre artistiques. On ne savait jadis faire les fruits qu’en cire ou en verre ; leur apparence était lourde, disgracieuse. Grâce à l’emploi de préparations chimiques, on obtient maintenant des fruits « mous, » si parfaits que les dames peuvent, suivant les caprices de la mode, porter des cerises, des marrons, des légumes, où non seulement la vue, mais le toucher se trompent.

Que de substances, en apparence hétéroclites, entrent dans la confection de ces fantômes de fleurs et de fruits : taffetas ou peluche, florence ou gaze, nansouck ou jaconas, satin de coton, meilleur que celui de soie pure, mousseline et surtout batiste, matière première des belles qualités, baleines et gutta-percha, baudruche, colle de poisson, dextrine, verroteries travaillées à Venise, poudres « étincelle » ou diamantée, de paillon, de bronze ou de brocart, importées d’Allemagne, papier « serpente » fourni par l’Angleterre ! Le tout mis en œuvre par de nouveaux outillages, qui ont simplifié la production et abaissé le coût des fleurs ordinaires. De sorte que la consommation, activée par la baisse des prix, a doublé dans les trente dernières années.

A Paris, — c’est à Paris surtout qu’elle se pratique, — la fabrication est morcelée entre des maisons distinctes, qui, chacune ont spécialisé quelque détail et s’attachent à le porter au plus haut point possible de perfection. Des quatre débouchés du fleuriste : toilette féminine, églises, cimetières et plantes d’appartement, chacun est exploité par des catégories d’artisans qui excellent dans une branche et n’en sortent pas. Une dizaine au moins se partagent la toilette : les uns ne font que la fleur d’oranger pour mariées ; d’autres se confinent dans les bruyères et fougères ; de chez ceux-là viennent les fleurs communes, de chez ceux-ci les fruits, etc. Encore chaque atelier s’adonne-t-il à une flore particulière : tel ne traitera que la rose ; tel autre que la pâquerette ; tel autre que les boutons.

Le rosiériste même ne fabrique pas ses pétales, mais les achète souvent tout teints et préparés ; il établit deux ou trois types chaque année et reçoit de l’étranger des commandes de mille douzaines à la fois. L’exportation s’élève aux deux tiers de la production totale.