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Page:Revue des Deux Mondes - 1900 - tome 157.djvu/631

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le baron de Calice, désigné par une érudition exceptionnelle dans les affaires des pays sud-slaves et des consulats du Levant.

L’ambassadeur d’Angleterre, sir Henry Elliot, représentait avec une conviction austère la tradition du Foreign-Office sur le Bosphore, les principes du traité de Paris, l’intégrité de l’empire, la garantie des Puissances, les réformes promulguées par la Porte avec l’assentiment de l’Europe. Sans doute, la plupart de ses collègues s’inspiraient des mêmes pensées, mais ce diplomate semblait plus particulièrement attaché à ces théories déjà sensiblement atteintes par les épreuves qu’elles avaient subies depuis vingt années. Sa présence, agréable à la Porte, était le gage de la bonne volonté anglaise ; mais, en même temps, le Cabinet de Londres, comprenant les exigences d’une situation modifiée et indécise, tenant compte aussi des manifestations réitérées de l’opinion britannique dans les meetings et dans la presse et des menaçantes dispositions de la Russie, estimait nécessaire de s’accommoder, dans une certaine mesure, aux circonstances et de préparer, par des combinaisons assouplies, les élémens d’un accord. Il avait donc délégué un de ses membres, lord Salisbury, ministre des colonies, dépositaire de sa pensée intime, et qui, moins engagé que sir Henry Elliot, pourrait plus librement atténuer la rigueur des doctrines, concéder ou maintenir, concilier les intérêts slaves et les susceptibilités ottomanes. Ce grand seigneur, qui devait être un jour le successeur des Gladstone et des Disraeli, n’avait pas encore révélé toutes ses forces, mais la noblesse de son attitude, sa haute compétence, son esprit d’assimilation et de discussion vraiment supérieur, son art d’évoluer au milieu des affaires incertaines, son sentiment profond de la politique spéciale de son pays, justifiaient le choix du gouvernement de la Reine. En même temps, son éminente situation sociale, sa bonne grâce personnelle lui assuraient l’un des premiers rôles dans une réunion patricienne, particulièrement accessible à ces qualités brillantes, et qui considérait à bon droit les relations mondaines comme les meilleurs auxiliaires des ententes diplomatiques.

La Porte avait nommé deux plénipotentiaires, musulmans l’un et l’autre. Safvet-Pacha, ministre des Affaires étrangères, l’un des plus anciens conseillers de l’empire, était un vieillard pacifique, sans compromission avec les partis, dévoué à son souverain. Accoutumé par un long usage aux circuits des