Page:Revue des Deux Mondes - 1900 - tome 157.djvu/634

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

« La Russie regarde ces projets comme un minimum extrême et irréductible. »

Néanmoins, comme les diplomates ont le devoir de fournir toujours, par des détours et des compromis, quelques élémens favorables aux discussions les plus aventurées, les représentais des Puissances, dans les séances qui suivirent, commentèrent leurs propositions avec autant de mesure que d’énergie. Ils s’attachèrent à exposer les avantages, en effet incontestables, des institutions qu’ils avaient préparées dans leurs réunions préliminaires, et même à démontrer qu’elles n’affectaient en rien l’intégrité et la dignité de l’empire. Mais l’attitude des ministres turcs demeurait obstinément morne : ils opposaient à tous les raisonnemens un invariable Non possumus. Il était clair, en effet, que des réformes spéciales à trois provinces rompaient l’unité de la constitution, et que l’initiative des Puissances était en contradiction avec l’expression libre et spontanée de la volonté impériale. Aussi aucune concession ne fut-elle faite, et aucune délibération sérieuse ne fut poursuivie. On se perdait en conversations sur d’insignifians détails : les ambassadeurs se heurtaient sans cesse à des objections vagues ou même parfois à de dédaigneux silences.

Après quelques réunions, il fut avéré qu’on tournait dans un cercle. Il fallait constater l’échec et se retirer, ou bien se résoudre à transiger et porter la main sur les propositions déclarées « irréductibles. » Les ambassadeurs, décidés à épuiser tous les moyens d’entente, s’arrêtèrent à ce dernier parti ; leurs conciliabules intimes furent alors consacrés au remaniement des projets si attentivement rédigés naguère. Peu à peu, la plupart des articles furent abandonnés : avec une bonne volonté qui attestait l’intensité de leurs désirs pacifiques, les plénipotentiaires démolissaient pièce à pièce l’édifice qu’ils avaient construit. Vainement le général Ignatiew s’écriait-il « qu’on lui arrachait toutes ses plumes, » M. de Chaudordy lui répondait en riant « qu’il lui en resterait beaucoup encore. » Les mémorandums préliminaires devinrent méconnaissables en quelques jours : on renonça au savant équilibre des institutions cantonales et communales, à la gendarmerie internationale, à la fixation des budgets ; on en vint successivement à réduire tout cet ensemble de réformes à une commission consulaire pour aider les autorités locales, à l’admission de quelques officiers instructeurs dans la