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souverain et ses sympathies pour le progrès et la civilisation. En réalité, la séance avait été très correcte et très majestueuse, mais on sentait que des préoccupations anxieuses, soit sur les affaires intérieures, soit sur celles du dehors, dominaient tous les esprits.


VII

La réunion du parlement n’était en effet qu’un épisode secondaire au milieu des circonstances formidables où la Turquie se trouvait placée. Elle avait cependant une importance transitoire justement appréciée par le gouvernement. Sans doute il tenait tête par lui-même et par le seul prestige séculaire du Sultan, avec une énergie qu’on ne saurait méconnaître, à des dangers multiples et imminens ; menacé sur ses frontières d’Europe et d’Asie par un ennemi dont les moyens d’action sont réputés inépuisables, abandonné par tous les Cabinets, confiant dans le courage, le patriotisme et la foi religieuse de ses soldats et dans la vitalité de sa race, il rassemblait ses armées régulières et les contingens indisciplinés des peuplades asiatiques, il improvisait des ressources financières et dirigeait tout sans hésitation ni défaillance. Mais, en fait, les préparatifs belliqueux épuisaient le trésor, l’appel des réserves dépeuplait les provinces ruinées, affamées, livrées à tous les désordres ; à Constantinople, les affaires languissaient, des troupes de séditieux et d’intrigans affichaient des placards comminatoires, des conciliabules agitaient les masses fanatiques et misérables, propageaient de sinistres nouvelles, tantôt sur la santé d’Abdul-Hamid, tantôt sur de prétendus désaccords au sein du ministère, voire même sur un retour possible de Midhat ou sur une prochaine restauration de Mourad. La Russie entrait enfin en lice, et l’empire était envahi. Or, dans une pareille crise, il n’était pas indifférent au Sultan, si convaincu qu’il fut de sa force irrésistible, d’être approuvé, entraîné même dans son entreprise par une apparence de représentation nationale. La constitution lui donnait en ce moment un précieux concours. Les séances de la Chambre commencèrent donc aussitôt, avec le plein et laborieux appui de la Porte.

La discussion de l’adresse en réponse au discours du trône fut d’un bout à l’autre conforme aux désirs du prince, et lui donna sans réserve des témoignages éclatans de dévouement et de fidélité. Cette assemblée, au fond si médiocre et si impuissante,