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Page:Revue des Deux Mondes - 1900 - tome 157.djvu/648

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sembla électrisée par les événemens et par le péril. Ce fut avec un empressement passionné que les députés votèrent un passage ainsi conçu : « Nous repoussons toute intervention dans les rapports du Sultan avec ses sujets, et dans les affaires intérieures de l’Etat. » Un des membres s’étant écrié : « Nous la repousserons au prix de nos biens et de nos vies, » cette parole fut couverte d’applaudissemens unanimes. Lorsque l’orateur populaire des mosquées, le khodja Moustapha, insista sur l’esprit de sacrifice, même de pauvreté qui inspirait tous les Ottomans, sur leur volonté de tout donner pour préserver la gloire du Padischah et l’indépendance de la patrie, toute l’assemblée s’associa par ses cris à cette déclaration fervente. Les orthodoxes, les Arméniens, les Syriens, les Maronites se distinguèrent même d’autant plus par leur zèle que, la Russie s’étant ostensiblement armée pour la cause d’un certain nombre de leurs coreligionnaires, ils tenaient à paraître non moins éloignés que les musulmans de la moindre complaisance pour l’ennemi.

Dans ces conditions, la Porte prodigua les marques de confiance et d’estime à la Chambre, qui, de son côté, se livra au travail avec activité. Les projets de loi étaient votés par elle au pas de course, notamment l’état de siège, si inquiétant pour nos droits capitulaires, le refus opposé aux prétentions du Monténégro, et divers règlemens organiques. Les ministres affectaient de louer sans cesse l’intelligence et la sagesse des députés : avec une correction constitutionnelle qui ne présentait pas d’ailleurs le moindre danger, ils les laissèrent même réclamer le départ du ministre de la Guerre pour l’armée, et leur accordèrent le rappel d’un fonctionnaire financier envoyé à Londres. L’arrestation de plusieurs softas engagés dans une manifestation excessive et maladroite montrait du reste que le gouvernement entendait n’être servi qu’à son jour et à son heure. Au surplus, le parlement ayant donné sur-le-champ ce qu’on attendait de lui dans les conjonctures actuelles, c’est-à-dire un assentiment politique irrécusable, il n’y avait plus qu’à lui faire adopter rapidement une série de textes législatifs destinés à donner une apparence d’utilité à sa présence : la presse, l’administration des vilayets, les élections futures, les finances furent réglementées en quelques semaines, et, le 28 juin, la session fut close.

La Porte était satisfaite. D’une part, elle se pouvait dire plus libérale que la Russie et que la Conférence ; de l’autre, elle voyait,