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Page:Revue des Deux Mondes - 1900 - tome 157.djvu/667

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la conquête, et, à plus forte raison, quelques siècles avant notre ère, la Grande-Brière était complètement noyée, que le flot de la marée y pénétrait librement, soit au Sud par la Loire, soit au Nord-Ouest, aux abords de Saint-Lyphard, par un défilé plus étroit, qui paraît même avoir été artificiellement approfondi, et où on a retrouvé quelques retranchemens gallo-romains et des débris anciens assez nombreux pour qu’on ait pu y reconnaître l’emplacement d’une station navale, et le proposer aussi comme l’ancien Brivates Portus de Ptolémée. La plaine liquide et navigable, fluviale et maritime tout à la fois, et dont nous n’avons plus aujourd’hui sous les yeux que les laisses paludéennes, couvrait alors tout l’espace circonscrit par Lavau, Savenay, Prinquiau. Pontchâteau, Crossac, Sainte-Reine, la Chapelle-des-Marais, Herbigne, Saint-Lyphard, Saint-Nazaire et Saint-André-des-Eaux ; et ces localités, presque toutes devenues exclusivement agricoles, étaient autrefois de véritables ports sur les rives de la grande anse naturelle du fleuve que les alluvions ont à peu près comblée. Au centre de cette lagune vive émergeait un nombre assez considérable d’îlots, qui gardent encore leur ancienne dénomination d’îles, — île Fedrun, île Mazin, île de Trignac, île Pandilh, île Besné, île Saint-Joachim, etc. Même encore aujourd’hui, pendant l’hiver, lorsque la plaine est inondée, elles surgissent et semblent flotter au-dessus de l’eau.

Pendant l’été, au contraire, à l’époque des grandes sécheresses, lorsque la lagune est vidée par ses nombreux étiers pour permettre l’exploitation de la tourbe, elles forment de petites éminences isolées, séparées par des fossés et ne communiquent entre elles que par une série de petits canaux encombrés de barques. Chaque cabane de ces bourgades en quelque sorte amphibies possède, comme les plus humbles maisons de Venise, sa gondole. C’est le véhicule traditionnel du pays, l’appendice en quelque sorte indispensable de la plus modeste habitation, qui sans elle serait absolument isolée.

La Grande-Brière était donc autrefois une véritable petite mer ; elle communiquait avec le fleuve par deux passages très larges, l’un de 8 kilomètres, entre Saint-Nazaire et Donges, l’autre de 3 kilomètres, entre Donges et Lavau ; ses eaux s’abaissaient et s’élevaient en même temps que celles du fleuve et de l’Océan, et le trop-plein, à mer basse, pouvait aussi s’écouler au Nord-Ouest du golfe, par le défilé de Saint-Lyphard qui formait une sorte de