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pas sensiblement modifié sa rive gauche depuis les temps historiques. Sur la rive droite, au contraire, la situation s’est complètement transformée. Le grand fleuve y a aujourd’hui, comme sur la rive gauche, une berge continue, presque rectiligne. Sa largeur de rive à rive augmente d’une manière progressive de Nantes à la mer, et il a un bras unique de 50 kilomètres environ de développement. La situation était tout autre dans les temps anciens. À partir de Couëron, à 14 kilomètres en aval de Nantes, le fleuve se répandait dans les terres, y formait une série de golfes, de bassins à la fois fluviaux et maritimes, immense lagune au milieu de laquelle émergeait un nombre considérable d’îles aujourd’hui soudées les unes aux autres par des alluvions. Toute la région de Guérande constituait ainsi un véritable archipel. Pline pouvait dire avec raison que les îles des Vénètes étaient nombreuses ; il n’y en a plus aujourd’hui[1]. Près d’un siècle même avant Pline, César en avait longuement parlé en décrivant le théâtre des opérations de sa troisième campagne. Toutes les routes de terre de la Basse Loire, dit-il, étaient interceptées par les marées, et les Romains avaient de grandes difficultés pour manœuvrer dans un pays « dont ils ne connaissaient ni les bas-fonds, ni les ports, ni les îles[2]. » « L’Océan, dit, de son côté, Dion Cassius, lorsqu’il décrit les défenses des Vénètes dans la basse région de la Loire, les entourait pour ainsi dire de toutes ses eaux[3] ; » et on peut regarder comme certain que c’est dans cet archipel, au milieu duquel se dressait une série d’oppida établis sur des langues de terre ou des promontoires, qu’eut lieu la grande rencontre de la flotte romaine et des navires gaulois dont César évaluait le nombre à 220 environ.

Ainsi s’explique tout naturellement la riche moisson de débris archéologiques recueillis un peu partout dans ce pays aujourd’hui transformé, — briques et poteries gallo-romaines, vestiges de murs et de retranchemens, vieilles épaves et fragmens de carènes enfouis sous la vase, monnaies romaines, gauloises, phéniciennes même, armes en pierre et en métal, urnes cinéraires, fers de chevaux, pierres de frondes et de mouillage servant d’ancres, scories et ruines de tous les âges passés.

  1. Plin., IV. XXXIII, 2.
  2. Cés., Bell. gall., III, 9 et 14.
  3. Dio Cass., XXXIX, 10.