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III

Dans cette petite mer intérieure, aujourd’hui disparue, qui présentait des anses tranquilles et parfaitement abritées, devait nécessairement se trouver un assez grand nombre de ports. »

Les géographes classiques n’en mentionnent que trois : Portus Brivates, Corbilon ; et le Port des Deux-Corbeaux, Portas Duorum Corvorum. On discutera peut-être toujours sur l’emplacement exact de ces trois stations maritimes. Le port de Corbilon est cité par Polybe comme une des trois villes les plus considérables de la Gaule avec Marseille et Narbonne. C’était peut-être lui faire beaucoup d’honneur, et Strabon lui-même n’en parle qu’assez légèrement, et seulement d’après les récits que Polybe attribue à l’astronome navigateur gréco-marseillais Pythéas et qui datent du IVe siècle avant notre ère[1]. Le port était déjà en ruine et abandonné sous l’empire, et il n’en reste absolument rien aujourd’hui. On croit pouvoir le placer au Sud de la falaise sur laquelle ont été plus tard bâties les tours de Guérande, peut-être aux environs du bourg de Beslon, qui est tout proche, et dont le nom semble présenter une certaine physionomie phénicienne, Cor-Bilon ou Belon. L’ancien port de Polybe aurait donc été situé dans le goulet même qui séparait jadis de l’île ou de la presqu’île de Guérande les trois anciennes îles de Saillé, de Batz et du Croisic. Il n’y a là rien que de très vraisemblable.

On doit aussi très raisonnablement placer dans les mêmes parages, et voir dans l’une ou dans le groupe de ces trois anciennes îles, aujourd’hui soudées à la terre par les marais salans du Grand-Traictet du Petit-Traict, l’île et peut-être les îles des femmes Samnites ou Namnètes dont on a tant parlé. Strabon dit que cette île était assez petite et très rapprochée des bouches mêmes de la Loire. Denys le Périégète parle au contraire d’un groupe d’îles qui formait un archipel[2]. Ces îles étaient, paraît-il, exclusivement habitées par des femmes qui s’y livraient à toutes sortes de pratiques dionysiaques en l’honneur de Bacchus, de Cérès et de Proserpine, d’après de vieilles traditions d’origine probable-

  1. Strab., Geog., I. IV, II. I.
  2. Ptolémée, II, VIII. 6 ; Marcien d’Héraclée, II, 21 ; Strab., liv. IV, IV, 6 ; Denys le Périégète, Orb. descr. Geogr, min., II, V, 570-579. Cf. E. Desjardins, Gaule Rom., op. cit.