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le tir était assez bien conduit, ont tué quelques mulets et pas une centaine d’êtres humains, femmes, enfans ou bourgeois paisibles ; ils ont brûlé quelques maisons ; qu’ont-ils obtenu comme résultat militaire ? zéro, partout, aussi bien sur les côtes de Cuba que sur celles de Porto-Rico.

Un amiral français très connu déclarait, au moment de la panique invraisemblable de Fachoda, que nos escadres devaient avoir toute liberté et n’être pas retenues dans les rades par la nécessité de contribuer à la défense des côtes. Nous affirmons que ce vœu était déjà, à cette époque, très largement réalisé.

Pour la sécurité de nos côtes, il est à désirer que les flottes renoncent même absolument à l’idée de participer à leur défense, qu’elles les considèrent comme leur présentant des refuges assurés et des moyens de ravitaillement. Il en est, en effet, de nos places de guerre côtières comme d’une grande place continentale telle que Metz : quand une armée active, navale ou terrestre, y pénètre ou lie sa destinée à la leur, on peut être assuré que place et armée sont également perdues. Il n’y a pas dans l’histoire, depuis les Grecs et les Romains jusqu’à nos jours, un seul fait qui démente cette affirmation. Il y a donc lieu d’écarter absolument le premier objectif proposé à notre armée navale, à savoir la protection de nos côtes.


C’est ensuite à la préservation de nos voies de ravitaillement par mer, en vue des approvisionnemens nécessaires, soit en vivres soit en munitions, qu’on veut employer des escadres.

Quand il s’agit de la France, cet objectif doit être écarté. Si nous le citons, c’est parce que des auteurs qui sont lus, qui font et défont des ministères, et qui représentent la jeune marine, en ont parlé sérieusement et en ont affirmé l’importance. On a fait, à ce sujet, des contes à dormir debout sur les ressources que la France en détresse aurait obtenues, en 1870-71, par les achats faits en Angleterre et aux États-Unis. En réalité, tout ce qui est parvenu en France par ces voies extraordinaires a rapporté beaucoup à quelques commissionnaires chargés des achats, mais n’a exercé aucune influence appréciable sur l’armement de nos troupes improvisées, ni sur les résultats d’une guerre où le commandement et l’ordre ont manqué infiniment plus que les canons et les fusils. La France, approvisionnée comme elle l’est par ses propres ressources, communiquant par terre avec tout le continent, ayant