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Page:Revue des Deux Mondes - 1900 - tome 157.djvu/787

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délicates. Nous lui répondîmes : « Cette déclaration ne serait pas, a priori, de nature à recommander un matériel qui doit servir à bord de navires où il ne sera pas accompagné d’ingénieurs adroits, savans comme vous, de mécaniciens habitués, comme les vôtres, à la manipulation d’un matériel aussi perfectionné. Mais vous vous trompez. En tous cas, c’est une affaire entendue, vous reviendrez me trouver quand je vous en donnerai avis. »

Au bout de huit jours, l’ingénieur anglais arrivait, sur ma demande, avec son mécanicien. Quelle ne fut pas sa stupéfaction, quand il eut à constater que notre personnel, — un lieutenant rentré depuis quelques semaines de Madagascar, un adjudant et quatre ou cinq ouvriers d’artillerie, — connaissait et était en mesure de manier ce matériel majestueux et compliqué beaucoup mieux que lui et son mécanicien ! Il dut enfin lire, sur une note à lui remise officiellement, toutes les observations faites par l’officier chargé de la réception des canons Armstrong, notant tous les défauts de principe et de construction ; toutes les fautes, assez nombreuses, commises sur des points importans ; et aussi les qualités très réelles, mais portant, en général, sur des accessoires et sur la surface : il ne put trouver un mot de contradiction, ni faire autre chose que d’excuser et de justifier la façon de procéder de sa maison.

Je discutai alors avec lui ses promesses fantastiques au sujet de la rapidité et de la précision du tir, en lui indiquant les chiffres calculés et sûrs, qui étaient fort éloignés des affirmations des constructeurs anglais. Il me répondit : « Nous ferons mieux à l’avenir ; mais sachez bien que jamais, en aucun pays, on n’examine, on ne contrôle, on n’étudie le matériel en détail comme vous l’avez fait faire ici. Nous sommes allés en Italie, nous avons fait des tirs au polygone ; on ne nous a demandé que de tirer nous-mêmes. On a compté le nombre de coups ; on ne s’est pas inquiété du reste. En tout cas, ce que nous vous présentons vaut encore mieux que ce que vous avez, puisque vous n’avez rien. » — « Mon cher monsieur, lui répondis-je, sur ce point encore vous n’êtes pas tout à fait dans le vrai, et il y a, pas loin d’ici, des canons, avec leurs affûts, avec tous les accessoires nécessaires, qui, avant longtemps, donneront, comme rapidité et comme précision de tir, deux fois, au moins, autant que les vôtres, avec plus de puissance et tout en présentant, à un haut degré, la première des qualités militaires, qui est la simplicité. »