Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1900 - tome 157.djvu/788

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Il fut littéralement atterré. Mais je ne sais pas si ce qui l’agaça le plus ne fut pas de trouver un Français sûr de la supériorité des choses militaires françaises, et affirmant avec fermeté, sans réserve, cette supériorité devant un Anglais représentant la maison Armstrong. Bien entendu, il ne vit pas notre matériel, qui était soigneusement dissimulé. Trois années plus tard, c’est-à-dire en 1894, l’Angleterre devait, sous la pression de ses attachés navals, trop bien renseignés sur nos canons, essayer d’imiter la marine française, en transformant ses canons de 12 et de 15 ; elle a mis plusieurs années, en dépensant beaucoup d’argent, en tâtonnant d’une façon qui n’eût pas été tolérée en France, à faire une transformation coûteuse et qui laissait le matériel ainsi obtenu bien loin de celui que la marine française avait sur ses navires à la fin de 1892.

Nous avons eu l’heureuse chance, en même temps que le devoir, d’affirmer à la tribune, le 28 janvier 1893, les qualités militaires de premier ordre de notre artillerie transformée, sans laisser au député, notre adversaire, d’autre ressource qu’un plaidoyer, dont la phrase du maréchal Lebœuf et des considérations à lui personnelles, à titre d’excuses, forment l’ossature principale, s’il est permis de parler ainsi.

Ce qui se passait en 1891 s’est renouvelé en 1894 à la Chambre (nous avons eu l’honneur de le rappeler au Sénat, le 8 mars 1897) : un autre député n’avait pas craint de dire à la tribune que l’artillerie de la marine française était inférieure à la marine italienne ; et, de nouveau, ce même député, devenu ministre, en 1896, affirmait que les obus chargés en explosifs, de la marine française, étaient inférieurs à ce que possédaient, dans le même genre, toutes les nations étrangères. Les dossiers de la marine étaient pleins de preuves officielles, soigneusement, méthodiquement réunies, constatant la puissance effective de ces mêmes projectiles, que la marine française avait étudiés depuis près de huit années et perfectionnés sans relâche. Ces même dossiers contenaient également des pièces officielles établissant qu’il n’existait rien de comparable, ni d’approchant, hors de la marine française. Après avoir employé toutes les influences, toutes les menaces, tous les moyens, pour nous décourager, nous faire céder ou se débarrasser de nous, on a dû se replier et organiser, faute de mieux, contre nous et les obus de la marine, le complot du silence.