Page:Revue des Deux Mondes - 1900 - tome 157.djvu/819

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

et favoriser le mouvement ; il doit préconiser les meilleures formules, constituer le cadre légal, déterminer la part qui incombe, dans les sociétés d’assistance mutuelle, aux patrons, aux ouvriers, et même aux communes qui se déchargent sur les corporations d’une partie des charges de l’assistance publique.

C’est par l’autorité et par la tradition qu’il faut résoudre le problème. La France, pas plus qu’aucun autre peuple, n’échappera à cette nécessité. Ce problème de l’organisation du travail est capital dans une démocratie. Dans les régimes aristocratiques ou parlementaires, les questions de politique proprement dite ont une importance prépondérante ; mais, dans les pays où les travailleurs constituent par leur nombre la véritable classe dirigeante, la question du pain quotidien, la question du salaire est évidemment celle qui passionne tous les esprits. Pour lutter contre le socialisme, il faut, coûte que coûte, apporter une solution. La France ne doit copier personne, elle doit pouvoir trouver dans son génie national, dans ses traditions, l’organisation nécessaire, sans l’emprunter aux Allemands ou aux Anglo-Saxons.


Tel est, dans ses grandes lignes, le mouvement corporatif qui s’est dessiné en Europe dans la seconde moitié de ce siècle. C’est une réaction contre la doctrine du laisser faire, qui, sous prétexte de ne pas contrarier le jeu des lois économiques, n’est au fond que la loi du plus fort ; c’est une résistance contre l’intervention abusive de l’Etat, que les socialistes voudraient investir d’un pouvoir sans limites. Peut-être est-il encore prématuré de se prononcer sur l’issue de la lutte engagée, d’autant que, dans aucun des pays que nous venons d’étudier, l’organisation professionnelle n’a reçu sa forme définitive, et qu’elle est encore dans la période de formation. Mais, dès maintenant, on peut constater que ce mouvement, loin d’être révolutionnaire, est au contraire traditionnel, et, dans la meilleure acception de ce mot, conservateur. Il tend à sauvegarder la vraie liberté du travail et à protéger l’indépendance et la dignité des ouvriers.

Partout où il est sorti de la phase chaotique, il constitue le plus insurmontable obstacle aux progrès du collectivisme et de la révolution cosmopolite ; à tous ces points de vue, il mérite d’appeler l’attention de ceux qui se préoccupent des dangers de la société moderne. Il donne les solutions les plus pratiques pour l’organisation de l’assistance mutuelle, pour la régularisation de