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Page:Revue des Deux Mondes - 1900 - tome 157.djvu/823

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d’Angleterre, tissus d’or et d’argent, aux seigneurs, qui les distribuèrent aux dames. » Mademoiselle est nommée parmi les invités de marque présens à cette fête.

Trois jours après, la Cour retourne à l’hôtel de Richelieu pour voir une autre pièce du même Baro, l’ancien secrétaire d’Honoré d’Urfé et le continuateur de l’Astrée[1] : « L’ornement du théâtre, rapporte la Gazette, la gentillesse de l’invention et la bonté des vers ; … le concert ravissant des luths, clavecins et autres instrumens ; l’élocution, le geste et l’habit des acteurs, mirent l’honneur de la scène en compromis entre tous les siècles passés et le nôtre. » Le théâtre de Baro nous paraît aujourd’hui insipide ; il eut un vif succès dans son temps.

Le 19 février, gala chez Richelieu en l’honneur du duc de Parme. On donna d’abord une « fort belle comédie, » avec « changement de théâtre » et intermèdes de luth, épinettes, violes et violons. Il y eut ensuite, toujours d’après la Gazette de France, un ballet, puis un souper où l’on vit le « beau buffet d’argent tout blanc » que le cardinal offrit au roi quelques années plus tard. Même en 1636, cela faisait beaucoup de danse et beaucoup de comédie pour un prêtre, en l’espace de moins de trois semaines. La suite de l’article montre que Richelieu en avait conscience, et qu’il ne dédaignait pas de se justifier : « On peut dire, sans flatter Son Éminence, que tout ce qui se passe par son ordre est toujours conforme à la raison ; et que jamais les devoirs qu’il rend à l’Etat ne choquent ceux que tout chrétien, et lui particulièrement, doivent à l’Eglise. »

Mademoiselle assistait à toutes ces fêtes, et elle n’avait pas neuf ans, et elle donnait elle-même « le bal et la comédie à la reine » dans son palais des Tuileries. Les enfans des grands étaient encore dans les bras de leur nourrice qu’on les menait déjà au spectacle. Une gravure du temps représente la famille royale à la comédie, chez le cardinal de Richelieu. La, salle a la forme d’un immense salon quelconque, beaucoup plus long que large et parqueté à l’ordinaire. A l’un des bouts, se trouve la scène, exhaussée de cinq marches. Le long des murs, deux rangs de galeries contiennent les invités, les femmes en bas, les hommes au-dessus. Quelques sièges ont été apportés au milieu de la salle, pour Louis XIII et sa famille. Monsieur est assis à la gauche du roi.

  1. Voyez la Revue du 1er octobre 1899, p. 582.