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roi eut en son logis la comédie française. » A La Flèche, il assista à trois représentations dans la même journée : « Va à la messe, puis au collège des Jésuites, où il vit réciter une pastorale. Après dîner, retourne au collège des Jésuites, où, en la grande salle, fut représentée la tragédie de Godefroy de Bouillon. En la grande allée du parc, à quatre heures, devant la Reine, la comédie de Clorinde. » Quand Gaston d’Orléans, aussitôt après son mariage, mena sa jeune femme à Chantilly, il manda une troupe de comédiens au château, « avec la musique et les violons, » rendant ainsi, rapporte un contemporain[1], « ce petit voyage fort divertissant. » Quand ce même prince, dans les circonstances qui ont été rapportées, se fit conduire sa fille à Tours pour lui présenter Louison Roger, il eut soin de ne pas laisser manquer de spectacle une princesse de dix ans : « Monsieur fit venir les comédiens, écrit Mademoiselle, et nous avions la comédie presque tous les jours. » Monsieur retourne en son château de Blois : sa troupe le suit. Mademoiselle rentre aux Tuileries (nov. 1637) : elle trouve le divertissement du théâtre dans toutes les maisons où elle fréquente.

Au Louvre, la scène ne chômait jamais, entre la comédie française, la comédie italienne ou espagnole, ou même anglaise[2], et les ballets dansés par la cour. A « l’hôtel de Richelieu, » aujourd’hui le Palais-Royal, il y avait deux salles de spectacle, une petite et une grande, montées avec un luxe de décors et de costumes qui faisait murmurer les contribuables d’alors. La Gazette de France de 1636 et 1637, qui accorde à peine de loin en loin un entrefilet à « la comédie du Louvre, » ne tarit pas sur les splendeurs offertes à ses invités par le tout-puissant et somptueux ministre. Le 2 février 1636, Anne d’Autriche va voir jouer « la Clorise, excellente comédie du sieur Baro, » à l’hôtel de Richelieu. « Après laquelle comédie, poursuit la Gazette, il y eut ballet, entrelacé d’une double collation : l’une, des plus beaux et plus rares fruits ; l’autre, de confitures que dix-huit pages dansans présentèrent en de petits paniers tous chargés de rubans

  1. Mémoires de Gaston d’Orléans. Selon M. Auguste Dietrich, « ce petit livre a été rédigé, d’une façon très simple et très sûre, d’après les papiers de ce prince par Algay de Montagnac. »
  2. En 1604, une troupe anglaise joua du Shakspeare devant le futur Louis XIII, qui n’avait pas encore quatre ans. Cf. Shakspeare en France sous l’ancien régime par M. J.-J. Jusserand.