adolescent aux yeux caressans, d’une « grâce merveilleuse en tout ce qu’il faisait[1], » quand les volontés d’une mère ambitieuse et d’un ministre aux vues compliquées se mirent d’accord pour faire cadeau de cette jolie fleur au roi, auquel il fallait toujours un « joujou, » selon l’expression de Richelieu. La victime résista longtemps avant de se laisser faire, près de deux ans, car l’on savait par l’exemple des favoris précédens que les vieux enfans cassent aussi leurs joujoux, et la faveur même de Louis XIII était devenue un épouvantail. Cinq-Mars aimait le monde et le plaisir ; il était perpétuellement amoureux, et il avait compté faire son chemin dans l’armée. L’idée d’aller s’enfermer à Saint-Germain avec ce valétudinaire grognon, d’un ennui auquel personne ne résistait, lui était odieuse. A la longue, il céda, l’énergie n’étant pas son fait ; le charmant Cinq-Mars était un nerveux, de peu de volonté, bien qu’il fût sujet à des accès de violence. En 1638, à dix-huit ans, on le voit maître de la garde-robe du roi, occupé à lui commander des habits que Louis XIII refusait avec humeur, les trouvant trop élégans. Le monarque parlait alors le moins possible au jeune d’Effiat, qui lui déplaisait.
La vie était vraiment lugubre à Saint-Germain. Louis XIII s’enfonçait, l’âme ulcérée, dans la nuit et le néant, en face de l’astre resplendissant de son ministre. Depuis longtemps, Richelieu était comme un autre monarque. « Dès l’année 1629, dit Ranke, qui s’est beaucoup servi[2] des relations des ambassadeurs étrangers, on nous représente la foule des solliciteurs et des gens empressés remplissant sa maison et les portes de ses appartemens ; s’il passe dans sa litière, on le salue de loin avec respect ; l’un s’agenouille, l’autre présente un placet ; un troisième cherche à baiser son vêtement ; chacun s’estime heureux s’il a pu obtenir de lui un regard. C’est que toutes les affaires étaient déjà dans sa main ; il s’était fait revêtir des plus hautes charges que peut exercer un sujet… » Le temps et le succès le rendirent « encore plus puissant et surtout plus redoutable. Il vivait à Rueil dans une profonde retraite… Richelieu était peu abordable ; il fallait, pour arriver à lui, que les ambassadeurs étrangers eussent quelque chose d’essentiel à lui communiquer ; toutes les affaires d’Etat relevaient de lui ; il en était le