éperviers, au milieu d’une douzaine de chasseurs, gens de peu, et de fort méchante compagnie[1] ! Au retour, le roi soupait, allait se coucher presque au sortir de table, et Cinq-Mars, exaspéré d’ennui, ne songeait qu’à s’évader du château pour voir autre chose que cette longue figure jaune, entendre autre chose que des histoires de chasse. Il gagnait Paris à cheval, y passait la nuit à s’amuser, et se retrouvait de grand matin au lever du roi, éreinté, la mine défaite et les nerfs malades. Deux fois sur trois, Louis XIII savait tout par ses espions. Il faisait une scène ; l’autre, énervé, répondait insolemment ; on se brouillait avec des cris et des pleurs, le favori avait une attaque de nerfs, et le roi allait se plaindre de « M. le Grand[2] » au cardinal de Richelieu, confident en titre et chargé des raccommodemens. Il lui écrivait le 27 novembre 1639 : « … Vous verrez par le certificat que je vous envoie en quel état est le raccommodement que vous fîtes hier. Quand vous vous mêlez d’une affaire, elle ne peut pas mal aller. Je vous donne le bonjour. » Le « certificat » était en ces termes : « Nous ci-dessous signés, certifions à qui il appartiendra être très contens et satisfaits l’un de l’autre, et de n’avoir jamais été en si parfaite intelligence que nous sommes à présent. En foi de quoi nous avons signé le présent certificat. Signé Louis, et par mon commandement, Effiat de Cinq-Mars. »
Ces replâtrages ne tenaient guère. Les mois qui suivirent le « certificat » ne furent qu’une longue tempête. Louis XIII était particulièrement jaloux d’une société de jeunes gens qu’on appelait Messieurs du Marais, parce qu’ils se réunissaient tous les soirs place Royale, chez Mme de Rohan. Il ne pouvait s’en taire. Le 5 janvier 1640, il récrit au cardinal : « Je suis bien marri de vous importuner sur les mauvais humeurs de M. le Grand. A son retour de Rueil, il m’a baillé le paquet que vous lui avez donné. Je l’ai ouvert, et l’ai lu. Je lui ai dit : Monsieur le cardinal me mande que vous lui avez témoigné avoir grande envie de me complaire en toutes choses, et cependant vous ne le faites pas sur un chapitre de quoi je l’ai prié de vous parler, qui est sur votre paresse. — Il m’a répondu que vous lui en aviez parlé, mais que, pour ce chapitre-là, il ne pouvait se changer, et qu’il ne ferait pas mieux que ce qu’il avait fait. — Ce discours m’a fâché. Je lui ai dit qu’un homme de sa condition devait songer à se rendre digne