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manifestaient en attendant leurs maîtres. La crise passée, courtisans et parlementaires s’envolaient vers Paris, où les appelaient des musiques de danse et la lumière des fêtes : « Il n’y eut jamais tant de bals que cette année-là, dit Mademoiselle. Je me trouvai à tous. »

La crise finale survint le 14 mai. Dès que le roi eut rendu le dernier soupir, la reine se retira avec toute la Cour, et chacun fut prendre ses mesures pour partir le lendemain de bon matin. Le déménagement eut la prestesse d’une levée de camp. De longues files de chariots chargés de meubles et de bagages commencèrent avec le jour à dévaler la colline de Saint-Germain. Elles ne tardèrent pas à se mélanger de carrosses à six chevaux et de groupes de cavaliers. Un grondement accompagnait ce défilé, qui ne s’interrompit qu’à onze heures, pour laisser passer un corps d’armée où s’encadrait la famille royale, escortée des maréchaux de France, des ducs et pairs, de toute la noblesse, tous à cheval. Après le dernier bataillon reprenaient les chariots et les carrosses. noyés à présent dans le flot de valetaille et de gens de tous métiers que traînaient après soi toutes les grandes maisons. Saint-Germain finit pourtant par se vider. Le dernier « galopin » parti, le bruit de foule en marche s’éloigna et s’assoupit. Le château neuf s’enveloppa de silence et le rideau tomba sur le cinquième acte du règne de Louis XIII. Il n’était resté sur la scène qu’un cadavre léger comme une plume, auprès duquel veillaient un lieutenant et quelques soldats.


ARVEDE BARINE.