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Page:Revue des Deux Mondes - 1900 - tome 157.djvu/870

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avec le continent par plusieurs services de bateaux à vapeur. On y construit et on y répare toujours quelques navires. Près de 1 200 pêcheurs y mènent en outre une vie très active. On en exporte en abondance du blé, des produits agricoles et surtout du poisson frais ou conservé, et le chiffre de son mouvement commercial est de près de 15 000 tonneaux.

Mais Belle-Isle est surtout considéré comme un grand ouvrage avancé en mer qui protège la côte du Morbihan, un véritable brise-lames naturel de près de 10 milles de développement dont les hautes falaises reçoivent tout d’abord l’assaut des vagues du large et à l’abri duquel il existe toujours un calme relatif. Du côté de l’Ouest, en face de la « mer sauvage, » ces falaises sont découpées et crevassées d’une manière fantastique, percées de grottes, dans lesquelles les vagues s’engouffrent par les gros temps avec un fracas terrible et projettent leur écume à plus de 40 mètres de hauteur. Presque au milieu de cette côte abrupte et dentelée se dresse le phare de Belle-Isle que beaucoup de navires venant du large reconnaissent tout d’abord pour assurer leur route, et c’est à l’abri du grand mur de roches qui constitue l’île qu’ils attendent souvent des ordres pour se diriger sur différens ports voisins de la Manche ou de l’Océan.

Il est probable que, comme l’île d’Yeu, comme l’écueil de Rochebonne, qui n’est plus qu’un brisant dangereux au large des Sables-d’Olonne, Belle-Isle n’est qu’un fragment détaché et un des rares témoins d’une très ancienne rive que les flots ont rasée et qu’un affaissement général de la côte a lentement engloutie à l’origine de notre dernière époque géologique. Il est certain aussi que la longue traînée des îles qui s’égrènent entre le Croisic et Quiberon n’est elle-même que le reste d’une autre rive plus récente, mais qui a disparu comme la première sous l’action des mêmes causes ; et on peut non moins sûrement affirmer que le Morbihan lui-même n’existait pas à l’aurore des temps historiques, ni même à l’époque romaine ; car s’il en eût été autrement les géographes classiques en eussent très certainement fait mention et lui auraient donné un nom particulier qui nous serait resté. A l’origine de notre ère, les trois rivières d’Auray, de Noyalo et de Vannes, celle-ci doublée par son affluent du Vinsein, se réunissaient vraisemblablement aux environs de Locmariaker dans un même estuaire et débouchaient à la mer après avoir serpenté à travers une plaine basse, marécageuse peut-être, mais en général