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ses magnifiques dolmens et ses innombrables pierres plantées ; et, à la pointe même de la presqu’île, au milieu des rochers et des dunes, les deux petits havres de Port-Haliguen et de Port-Maria, très vivans comme ports de pêche et dont l’activité est en outre entretenue par des relations continues avec Belle-Isle qui leur fait face.

Quiberon, Carnac, Auray, — ces trois noms réveillent de grands souvenirs. Le premier résonne encore comme un glas funèbre et rappelle le désastreux débarquement des émigrés en 1795, et le naufrage d’une grande et généreuse illusion. C’est sur cette mince côte de dunes entourées de tous côtés par la mer et qu’il était si facile de cerner qu’eut lieu le suprême effort de l’armée royaliste, dont la dernière étape fut, près d’Auray, la silencieuse pelouse ombragée de beaux arbres et qui garde le nom de « Champ des Martyrs. » Auray est la terre des vieilles croyances. La Gaule y a laissé ses menhirs, la Bretagne fervente y a construit sa basilique, la légitimité vaincue y conserve pieusement son ossuaire. C’est bien le cœur de la vieille province et tout y rappelle la vertu traditionnelle du peuple breton, qui a pu se transformer sans doute avec le temps et les mœurs, mais qui est toujours la même : la foi. Carnac est le pays classique de l’archéologie préhistorique. Indépendamment des dolmens, cromlechs et tumtili semés un peu partout dans la campagne déserte et que l’on peut évaluer à plusieurs centaines, Carnac possède ce que l’on ne voit peut-être nulle part, trois groupes imposans de menhirs parfaitement alignés en prolongement l’un de l’autre et présentant un développement de plus de 3 kilomètres de longueur.

Le premier, le groupe de Ménec, comprend 11 lignes et 874 menhirs. Le groupe de Kermario lui fait suite : 10 lignes et 855 menhirs. Vient enfin le groupe de Karlescan : 13 lignes et 262 menhirs. Toutes ces grandes avenues ont à peu près la même largeur, tous ces blocs sont alignés avec une précision parfaite, également espacés. Leur hauteur maximum est de 3 à 4 mètres au-dessus du sol, et elle décroît peu à peu des extrémités au centre de chaque ligne. Ces dispositions indiquent évidemment la conception d’un plan d’ensemble et ce sont les grandes lignes de monumens spéciaux construits en vue d’un objet déterminé ; mais nous en ignorons malheureusement encore l’ordonnance et la destination. Les rochers de ces centaines de piliers ont été pris presque toujours et autant que possible sur