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riche Penmarc’h une ruine et un désert. On ne rencontre que des débris un peu partout sur le plateau dévasté, maisons isolées dont les vieux murs sont encore couronnés de mâchicoulis et portent même des tourelles de guet, chemins défoncés, mais encore pavés, qui ont conservé leurs anciens noms de rues.

L’un d’eux même, dans ce pays de misère, s’appelle encore — on dirait une dérision — la « rue des Argentiers, » et une lamentable petite chapelle à demi éventrée dans laquelle hurle presque toujours le vent de la tempête est restée « Notre-Dame de la joie » pour ces excellens marins bretons, toujours fidèles à leurs vieux souvenirs. De tous côtés, à perte de vue, des milliers de blocs noirâtres sur la grande lande pelée du plateau, au pied de la côte disloquée et à plusieurs kilomètres au large. Même pendant les plus beaux temps, les vagues brisent toujours contre tous les écueils ; et lorsque dans ses heures de colère l’Océan se déchaîne avec fureur, il couvre tout le pays de son écume. A quelques mètres au-dessus de la lande, s’étendent de longues traînées de véritables nuages chargés d’eau. Le ciel et la mer semblent se confondre. Dans le mugissement continu de la tempête, les coups de bélier détonent comme des roulemens de tonnerre dont on entend le grondement jusqu’à Quimper, à près de 30 kilomètres. C’est un magnifique spectacle de désolation.

Les pêcheurs de Penmarc’h sont des vaillans ; ils ont réellement une âme de fer et, malgré les dangers de tous les jours, Kérity et Guilvinec sont deux petits ports de pêche très animés. On y fait même le commerce de la soude de varech, en recueillant les algues que les vagues jettent à la côte, ou en les arrachant sur les écueils qu’ils découvrent à basse mer. Ce serait réellement un acte d’humanité et de justice que de créer un abri sérieux sur cette côte inhospitalière, et de reprendre le projet de port de relâche et de secours dont il avait été question il y a déjà plus d’un demi-siècle, et qui aurait depuis rempli bien souvent son œuvre de salut.

Jusqu’à ces derniers temps, la pointe de Penmarc’h, à laquelle une longue série de drames a valu un si triste renom, était signalée par un phare de premier ordre qui projetait sa lumière à une vingtaine de milles environ lorsque le temps n’était pas brumeux, ce qui malheureusement se produit dans ces parages pendant les deux tiers de l’année. C’était une de ces nombreuses étoiles de la magnifique constellation que les ingénieurs allument