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ait un petit port régulier protégé par un môle et dont l’activité, un peu supérieure même à celle des ports de l’île mère, est dû au trafic du goémon que l’on incinère et qui devient l’engrais connu sous le nom de terre de Molène, ou que l’on exporte brut aux usines du continent pour en extraire la soude et l’iode. A l’exception de Molène et de Beniguet qui possède aussi une petite cale où les caboteurs peuvent à la rigueur s’abriter, les autres îles ne sont guère que de grands écueils à peu près déserts et dont l’approche est toujours imprudente. Nul doute cependant qu’elles n’aient présenté toutes autrefois une beaucoup plus grande surface et que tout l’archipel, y compris le plateau sous-marin de la Helle qui le prolonge au Nord et la longue chaussée des Pierres-Noires contre laquelle viennent briser les vagues du Sud, ne fût, avec Ouessant, à l’origine de notre période géologique, une grande presqu’île très probablement soudée à la pointe Saint-Mathieu. L’affaissement général de la côte bretonne et la morsure séculaire des vagues l’ont complètement disloquée et effondrée, et il n’en reste plus aujourd’hui que des débris que les courans minent et rongent sans cesse. Ces courans sont aussi violens, aussi mobiles que le Raz de Sein et ont quelquefois comme lui une vitesse de 8 à 10 nœuds, 15 à 20 kilomètres à l’heure. Au Nord-Ouest même d’Ouessant et contournant la magnifique falaise rocheuse qui fait face directement à l’Atlantique, c’est le redoutable courant du Florus, semblable à un large torrent marin ; au Sud-Est et non moins impétueux le courant de Fromweur ou du « Grand-Effroi ; » entre les îles, dans des défilés souvent très étroits, des remous terribles et très complexes ; tout le long de la côte bretonne, c’est le grand courant du chenal de la Helle ; enfin sur la route même que prennent la plupart des navires venant du Nord pour entrer dans la rade de Brest, l’on est obligé de lutter sans cesse, tantôt entraîné, tantôt arrêté, par le grand courant du Four qui rase la pointe Saint-Mathieu.

VII

D’après ce que nous venons de voir, l’accès de notre grand port militaire sur l’Océan présente par le Nord et par le Sud de très grandes difficultés. Il est au contraire tout à fait normal et très aisé pour les navires — et ce sont les plus nombreux — qui viennent directement du large. L’Iroise, qui constitue la petite