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mer d’accès dans la rade de Brest est en effet directement orientée de l’Est à l’Ouest. La largeur de son entrée, du phare d’Ar-men à celui d’Ouessant, est de 40 kilomètres et son enfoncement est à peu près égal. Des flottes entières peuvent s’y présenter en tout temps. Le magnifique golfe est divisé au fond en deux grands compartimens par la large presqu’île de Crozon ou de Camaret, qui se ramifie elle-même en presqu’îles secondaires et présente la forme d’un gros tronc d’arbre duquel se détachent plusieurs rameaux. Ces deux grands bassins sont la baie de Brest et la baie de Douarnenez, dont les contours, découpés et ébréchés en nombreuses dentelures, sont une merveille d’architecture naturelle qui enthousiasme le poète, enchante le voyageur, et charme le marin. Le premier se subdivise à son tour en deux : la rade de Brest et la baie de Châteaulin, séparées par la pointe de l’Armorique. Dans le premier de ces bassins débouche la Penfeld qui traverse tout l’arsenal de Brest, et l’Elorn qui conduit à Landerneau ; dans le second les rivières de Daoulas, de l’Hôpital, du Faou et de l’Aulne, cette dernière remontant à Châteaulin. Chacune de ces embouchures constitue un mouillage et un port excellens.

Le grand port militaire de Brest est l’estuaire même de la Penfeld ; tous les autres servent d’abri, de relâche, de mouillage à tous les bateaux de la rade et sont fréquentés par les barques de pêche et les caboteurs. Le fond du tableau se développe suivant un grand hémicycle de collines boisées, verdoyantes, d’un effet très pittoresque, qui manque peut-être un peu de lumière et de soleil, mais qui, somme toute, corrige l’impression sinistre produite par le couloir tortueux de la Penfeld, gorge resserrée, à peine large d’une centaine de mètres, profonde de 2 kilomètres, bordée de chantiers et de cales de construction, d’ateliers, de magasins, de casernes, écrasée entre des coteaux aux pentes raides, hérissées de hautes cheminées, couvertes de maisons industrielles noires, grondante comme une immense forge, noyée dans la fumée des usines et la vapeur épaisse d’une atmosphère presque toujours souillée.

La pointe de Saint-Mathieu au Nord et la pointe du Toulinguet au Sud commandent l’entrée de la rade de Brest, et ces deux caps paraissent avoir résisté depuis bien des siècles à toutes les attaques de la mer. Les monumens celtiques, les débris de poterie, les briques romaines que l’on retrouve à Portz-Liogan, tout