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australe, avec la différence que ce sont les Boers qui rappellent les Anglais de Wellington. Ils ont su se retrancher comme eux dans des lignes impénétrables ; ils s’y défendent de même ; enfin tout porte à croire que derrière les premières lignes ils en ont échelonné plusieurs autres, et que, s’ils sont vaincus sur un point, ils défendront leur pays pied à pied, reculant d’un premier retranchement à un second et d’un second à un troisième, sans se lasser ni se décourager, car ils appartiennent, eux aussi, à une race qui a résisté autrefois à des puissances proportionnellement aussi grandes que l’Angleterre peut l’être aujourd’hui, et qui a étendu ses conquêtes jusque sur la mer. Plus d’une armée britannique pourra s’user dans cette lutte où elle rencontrera contre elle, avec l’avantage que donne le terrain, des qualités militaires de la même espèce que les siennes. Comment se terminera l’aventure ? On se le demande en Europe, on n’en sait plus rien, on doute. Au début, à ne considérer que l’inégalité de puissance entre la Grande-Bretagne et le Transvaal, chacun croyait que la première l’emporterait et que les difficultés initiales, auxquelles on s’attendait d’ailleurs pour elle, ne suspendraient pas longtemps la victoire définitive. Aujourd’hui, personne ne serait aussi affirmatif. On est convaincu, en tout cas, que la guerre durera longtemps, et que le prestige dont jouissait l’Angleterre aura quelque peine à s’en relever.

Mais si ces réflexions se présentent inévitablement à nous, il ne pouvait guère en être question, et on n’en a pas dit un seul mot dans le parlement britannique. On a parlé de la guerre presque académiquement, sans aborder les sujets scabreux que sa continuation peut faire naître. Il y a eu une simple passe de rhétorique, et, nous l’avons dit, de rhétorique assez médiocre, entre le gouvernement et l’opposition, la seconde déclarant que si, par impossible, elle arrivait au pouvoir, elle continuerait les hostilités jusqu’au moment où la victoire serait revenue sous les drapeaux de la Reine, et où l’Empire aurait jeté d’inébranlables assises dans l’Afrique australe. Rien ne prouvait, rien n’autorisait à croire que les libéraux seraient, dans cette tâche, plus habiles que les conservateurs : nous reconnaissons même que le contraire parait plus vraisemblable. Le gouvernement qui est aux affaires, quelques fautes qu’il ait d’ailleurs commises, connaît mieux les ressources dont il peut disposer et les a plus en main que ne le ferait un nouveau venu. Alors, à quoi bon changer ? Sir William Harcourt et même sir Henry Campbell Bannerman, puisque c’est ce dernier qui est le leader attitré du parti libéral, montreraient sans doute plus de bon sens et de modération que M. Chamberlain : mais peut-être