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renouveler. Cela est vrai des Boers, mais l’est aussi des Anglais, et nous souhaitons pour ces derniers qu’ils ne soient pas obligés à recourir à des soldats et à des organisations tout à fait improvisés : on verrait bientôt quelle en est la valeur, et ce serait une leçon salutaire pour ceux qui croient suffisant de se procurer des hommes en temps de guerre, sans leur avoir donné pendant la paix l’éducation, l’endurance et l’esprit militaire indispensables pour les transformer en soldats. Le Boer est naturellement agriculteur et soldat ; il l’est pendant toute sa vie, et là est le secret de sa supériorité sur les champs de bataille, supériorité par laquelle il compense celle du nombre. Il n’est pas non plus très mobile, il ne poursuit pas l’ennemi, il se retranche dans des cantonnemens dont il sort le moins possible ; mais il montre dans les lieux qu’il a choisis, reconnus et fortifiés, une force de résistance qui n’a peut-être d’égale que celle dont les Anglais eux-mêmes ont quelquefois donné l’exemple. Si Wellington a fini par vaincre Napoléon, — encore ne l’a-t-il pas fait à lui tout seul, — ce n’est certainement pas par la supériorité intellectuelle, mais bien par cette froide obstination que ses héritiers contemporains n’ont sans doute pas perdue, mais qui se retrouve, à un non moindre degré, dans les adversaires qu’ils ont aujourd’hui à combattre. Et ici un souvenir se présente d’autant plus naturellement à l’esprit que les Anglais, après leurs premiers échecs, l’ont rappelé eux-mêmes dans leurs journaux, pour justifier cette thèse qu’ils ont le plus souvent commencé par des revers, mais qu’en fin de compte, ils ont vaincu, et plus encore par leur ténacité que par leur courage, quoique celui-ci soit de premier ordre. Ils ont donc parlé des fameuses lignes de Torrès-Védras, où Wellington a tenu en suspens tout l’effort des armées napoléoniennes ; elles sont venues se briser contre cette muraille de fer sans parvenir à l’entamer ; et pourtant elles étaient conduites par des généraux habitués à la grande guerre et composées de soldats héroïques. Mais les Anglais avaient su choisir leur terrain, ils le connaissaient bien, ils s’y étaient fortement cantonnés ; et ils ont eu raison d’un adversaire que l’on croyait supérieur en ressources, et qui l’était certainement en génie. Ce petit angle de territoire portugais a été le théâtre, — nous pouvons le dire, bien que nous en ayons été les victimes, — d’un des événemens militaires les plus glorieux dans les annales du monde. Rien n’a pu vaincre les Anglais dans ce réduit, et ils sont ensuite partis de là pour chasser les armées impériales de toute la péninsule ibérique.

Il se passe quelque chose d’analogue, en ce moment, dans l’Afrique