Page:Revue des Deux Mondes - 1900 - tome 158.djvu/100

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

avait élevé à Rome avec cette inscription : Deo ignoto, au Dieu inconnu. » De même le cardinal de Rohan, le maréchal du Bourg, venus en amis passer quelques jours chez le roi Stanislas, se considéraient déjà comme les sujets de leur chère princesse Marie. Celle-ci était presque traitée en reine, et l’on remarquait que ses parens lui laissaient la droite. Mais la déclaration publique du mariage n’était pas faite, et il ne pouvait être regardé comme assuré, tant que cette formalité ne serait pas venue engager la parole royale.

L’événement qui se préparait avait fini par transpirer dans les pays rhénans. Tant d’allées et venues inusitées avaient excité les soupçons, et le bonheur prévu de Stanislas déchaînait la haine. Des agens saxons rôdaient dans les environs et venaient encore d’essayer de lui faire acheter du tabac empoisonné. Ils se mirent à l’œuvre pour empêcher par tous les moyens un changement de situation qui devait si puissamment servir sa cause en Pologne. A Paris même, où le projet s’ébruitait, beaucoup de gens étaient mécontens. De divers côtés, des dénonciations parvinrent au duc de Bourbon, l’inquiétant sur la santé de la princesse. « Le bruit est grand, dit Marais, d’une lettre écrite par le roi de Sardaigne, comme grand-père du Roi, qui s’oppose au mariage avec la Polonaise, par la mésalliance et parce qu’on dit qu’elle a des défauts corporels. Il y a aussi des lettres anonymes qui ont grossi ces défauts. On dit qu’elle a deux doigts qui se tiennent et des humeurs froides ; mais cela vient de la faction d’Orléans, à qui ce mariage et tout mariage du Roi déplaît. » Un avis plus grave prétendit que Marie Leczinska était atteinte d’épilepsie, et désigna même une religieuse de Trêves que la reine Catherine était allée consulter plusieurs fois sur cette maladie. Rien ne pouvait causer à M. le Duc plus de soucis pour sa conscience et pour ses intérêts. Il dut faire chercher une personne de confiance en relation avec le couvent de Trêves ; on put établir qu’en effet la reine de Pologne était allée consulter la religieuse désignée, mais que c’était pour une demoiselle de trente ans qu’elle aimait beaucoup et qui était attachée à son service.

Pour plus de sûreté, le ministre chargea le cardinal de Rohan et le chevalier de Vauchoux d’informer Stanislas des bruits répandus et de lui faire accepter la visite de deux médecins de Paris. Le roi ne s’étonna point des calomnies acharnées contre le bonheur de sa fille, et se prêta à ce qu’on voulait de lui. Les