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médecins constatèrent que la princesse avait une santé particulièrement vigoureuse et firent justice de tous les mensonges. Les inquiétudes de la famille touchaient à leur terme ; des lettres arrivaient enfin, apportant la nouvelle de la déclaration ; et un détachement du régiment de Berry prenait officiellement la garde de la maison de Wissembourg.

Le dimanche 27 mai, à son petit lever, en présence des grands officiers de la couronne et des entrées, Louis XV déclara son mariage, suivant l’usage, en donnant à ses sujets tous les renseignemens qu’ils étaient en droit de connaître : « J’épouse, dit-il, la princesse de Pologne. Cette princesse, qui est née le 23 juin 1703, est fille unique de Stanislas Leczinski, comte de Lesno, ci-devant staroste d’Adelnau, puis palatin de Posnanie et ensuite élu roi de Pologne, au mois de juillet 1704, et de Catherine Opalinska, fille du castellan de Posnanie, qui viennent l’un et l’autre faire leur résidence au château de Saint-Germain en Laye avec la mère du roi Stanislas, Anne Jablonowska, qui avait épousé en secondes noces le comte de Lesno, grand général de la Grande-Pologne. » Quand le Roi eut fini, le duc de Gesvres, premier gentilhomme de la chambre en exercice, passa dans l’Œil-de-Bœuf plein de monde, et prononça les mêmes formules, livrant la décisive nouvelle aux commérages de la cour et aux discussions des partis.

« La cour a été triste, écrit un nouvelliste, comme si on était venu dire que le Roi était tombé en apoplexie. » Les complimens d’étiquette qu’il reçut manquèrent de sincérité. Personne ne montra d’enthousiasme pour une alliance où rien ne flattait l’amour-propre national. « Leczinski ! voilà un terrible nom pour une reine de France. » Cela était indifférent au Roi, fort enchanté de se marier et, en attendant, malgré la pluie et le temps affreux, on le voyait chaque jour aller à la chasse et prendre plaisir à ce que tout le monde fût mouillé. Il ignorait entièrement que les cours de l’Europe et les chancelleries parlaient couramment de sa mésalliance. La duchesse de Lorraine, par exemple, qui avait, il est vrai, du dépit de mère dédaignée dans sa fille, écrivait son humiliation de fille de France : « Comme bonne Française et étant de la famille royale, je ne puis voir cette mésalliance pour le Roi sans en ressentir, je vous l’avoue, une peine mortelle, et je ne puis comprendre comment toute la France ne s’y oppose pas, à commencer par les princesses de la maison royale. Il me paraît que les mésalliances sont bien à la mode en France,