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Page:Revue des Deux Mondes - 1900 - tome 158.djvu/112

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pour quelques heures ; les rues étaient illuminées et tendues de tapisseries, et les troupes rangées présentaient les armes, la baïonnette au fusil. Le son des cloches et les fanfares des trompettes se mêlaient aux décharges de l’artillerie. Une foule immense et joyeuse acclamait la Reine, qui se rendit tout d’abord à la cathédrale, entendre un Te Deum, et vint souper et dormir à l’hôtel du Gouvernement. Elle passa à Metz, deux journées pleines ; on n’avait pu accorder moins à une cité aussi importante et aussi attachée à la couronne, et qui avait fait tant de préparatifs de réjouissance. Marie prit plaisir au feu d’artifice tiré sur la place d’armes, devant la citadelle illuminée, et à l’éclairage du clocher qui lui rappela celui de Strasbourg. L’évêque de Metz lui offrit une brillante collation de fruits dans les beaux jardins de Frascati. Il lui fallut réserver une partie de son temps à donner audience et à ouïr des harangues. Elle reçut d’abord le parlement de Metz, puis chacune des juridictions de la ville ; enfin les chanoinesses de Remiremont firent devant elle leurs révérences en manteaux d’hermine.

La riche communauté juive eut le même honneur que les chanoinesses, et le discours du rabbin fut particulièrement intéressant. On y comparait le voyage de Sa Majesté à celui de la reine de Saba, et on louait en elle les grâces d’Esther et la magnanimité de Judith. Les juifs offrirent ensuite trois coupes d’or, gravées de sujets de l’Ancien Testament, que la Reine envoya aussitôt à l’évêque pour en distribuer le prix aux pauvres. Puis ils demandèrent la faveur de passer en cavalcade sous ses fenêtres, et ce fut un des plus curieux spectacles que ce défilé de cent cinquante cavaliers vêtus de velours noir aux vestes glacées d’or et d’argent, dont les deux premiers avaient été habillés en femme, pour faire voir à la Reine les anciennes coiffures de leur nation. Une de leurs bannières portait les tables de la Loi écrites en hébreu ; une autre, des prières pour le Roi et la Reine en vers français, et sur un char étaient des musiciens qui firent de bonne musique. Les juifs eurent encore le privilège de divertir la Reine au dîner qui précéda son départ, par un concert d’instrumentistes venus d’Allemagne. Tout le monde trouva leur concert de fort bon goût : Mlle de Clermont, qui avait eu la curiosité d’aller voir la célébration d’un mariage à leur synagogue, les félicita au nom de sa maîtresse et les fit récompenser.

Le même enthousiasme continua le reste de la route,