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souvent aller à des querelles et à des rivalités qui les frappent d’impuissance. Les questions de préséance sont parfois pires dans la brousse que dans les plus grandes cours, et l’incompatibilité d’humeurs y produit fréquemment l’indiscipline, sinon même le drame.

La complexité des intérêts en jeu dans le Haut-Oubanghi et le Bahr-el-Ghazal rendait le péril d’une semblable situation particulièrement redoutable. Aussi, le premier soin du nouveau titulaire du portefeuille des Colonies lut-il d’y parer dans la mesure du possible. En même temps qu’il conférait à M. Liotard le grade de gouverneur, il prenait donc un arrêté lui subordonnant expressément M. Marchand. Dans une dépêche du 28 juin au premier de ces agens, il s’efforçait, de délimiter les attributions de chacun ; il redisait, à la lumière des dernières informations parvenues de l’Afrique centrale au pavillon de Flore, ce que la France attendait d’eux :

« La mission dont est chargé M. le capitaine Marchand ne saurait être considérée comme une entreprise militaire. Ce n’est pas avec les forces nécessairement réduites dont nous disposons dans ces régions que la pensée de projets de conquête pourrait être un seul instant acceptée. Il s’agit, aujourd’hui surtout que les résultats en sont à si bon droit appréciés, de maintenir strictement la ligne politique que, depuis près de deux années, vous suivez avec persévérance et dont notre établissement dans le bassin du Nil doit être le couronnement…

« Ce caractère exclusivement pacifique que doit conserver l’œuvre entreprise, cette nécessité où nous sommes d’éviter de nous voir un jour aux prises avec des bandes très nombreuses et bien armées, nous obligent à établir sinon une alliance véritable, tout au moins de bons rapports avec les derviches. Il ne faut pas que les mahdistes, apprenant l’arrivée des Français dans ces régions, puissent confondre leur entreprise avec celles de leurs rivaux européens. Il importe de leur faire entendre que la France n’a contre eux aucun sentiment d’hostilité, qu’elle ne forme contre les populations du Soudan égyptien aucun projet d’agression, qu’elle désire au contraire voir s’affermir chez elles la paix intérieure et extérieure, afin de bénéficier un jour, dans l’intérêt de son commerce, du calme et de la prospérité du pays. C’est, du reste, le langage que vous teniez au Fégui Ahmed, avant même que cette politique se fût affirmée, en décembre 1895, ainsi qu’il