résulte d’une des pièces jointes à votre rapport sur l’occupation de Tamboura. « Le Gouvernement de la France, écriviez-vous, n’a jamais eu affaire ni de près ni de loin aux derviches et je ne vois pas pour quelle raison ceux-ci seraient nos ennemis. » L’opinion que vous exprimiez de la sorte et qui se conciliait cependant avec votre politique à l’égard des chefs zandés ne doit pas davantage aujourd’hui, si elle inspire une action plus marquée de la France, faire obstacle à la consolidation, à l’affermissement de nos relations avec ces derniers. Vous devrez laisser entendre à ceux-ci qu’ils sont toujours assurés de notre protection et qu’un accord éventuel de la France avec les derviches, s’ils viennent à s’en inquiéter, ne peut que mettre fin à des déprédations dont ils ont été si souvent les victimes.
« Il est bien entendu du reste que vous aurez autorité sur tous les agens civils et militaires ; il en sera notamment ainsi de la mission de M. Marchand, qui est votre adjoint temporaire et auquel, s’il se trouve éloigné de vous, vous laisserez des ordres précis pour le service dont il aura la responsabilité directe. Il ne peut s’agir de questions d’amour-propre dans une situation aussi délicate que celle où vous vous trouverez tous, et je connais trop le patriotisme de tous ceux qui sont ou vont dans l’Oubanghi pour insister sur ce point. Ainsi coordonnés, les efforts des uns et des autres pourront assurer rapidement, je l’espère, le succès final de l’œuvre entreprise ; je sais qu’en ce qui vous concerne, vous ne négligerez rien pour l’obtenir. »
Hâtons-nous de dire, au grand honneur des hommes particulièrement visés par ces instructions, que cet appel fut entendu : aucune rivalité ni aucune dissidence n’éclata entre eux, durant plus de deux années de travaux et de souffrances ; et ils surent merveilleusement, quoique à distance l’un de l’autre, concerter leurs efforts pour le service du pays, sans jamais se départir de la ligne de conduite qui leur avait été tracée. Ils y avaient d’autant plus de mérite qu’une fois lancés dans le Centre-Afrique, leur action échappait à tout contrôle comme à toute correction : il ne fallait pas moins de six mois, en effet, pour qu’une lettre de M. Liotard parvînt au pavillon de Flore, ou qu’une dépêche ministérielle atteignît M. Marchand[1]. La force des choses les laissait libres de mal faire : ils ont toujours bien agi.
- ↑ Les publicités qui raisonnent sur les affaires coloniales ne tiennent presque jamais compte de cette question, pourtant capitale, des moyens de communication. Le dernier renfort envoyé à M. Marchand, parti de France à la fin d’octobre 1897, ne l’a rejoint qu’en août 1898. Quel n’est pas l’état d’esprit d’un ministre qui, répondant à des informations vieilles d’un semestre, sait que les réflexions qu’elles lui suggèrent parviendront six mois plus tard encore à destination !