Page:Revue des Deux Mondes - 1900 - tome 158.djvu/302

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

non-seulement à ses engagemens politiques, mais encore à ses intérêts de famille, puisqu’il allait rencontrer comme adversaires dans cette nouvelle guerre deux princes qu’il avait agréés pour gendres, le duc de Bourgogne et Philippe V ? Cette question n’a guère préoccupé, comme il était naturel, les auteurs des érudites recherches dont les travaux récens ont porté la lumière dans les obscurs préliminaires de la Succession d’Espagne. Ils ont estimé avec raison que les négociations de la France avec la petite Savoie n’avaient point l’intérêt de celles poursuivies, pendant de si longues années, avec l’Angleterre, la Hollande et l’Empire[1]. Il y a donc là un point qui demeure à éclaircir, et, sans en exagérer l’importance, nous croyons cependant qu’au point de vue de l’impartiale recherche de la vérité, il y a quelque intérêt à découvrir quels furent les mobiles de l’étrange conduite de Victor-Amédée. Les documens consultés par nous aux archives de Turin, qui de nouveau ont été librement ouvertes à notre curiosité, nous aideront à y parvenir.

I

Le lecteur se souvient peut-être que, après de laborieuses négociations, le traité de Turin avait été signé au nom de Louis XIV par le comte de Tessé, qui cumulait en secret les fonctions de général commandant les armées du Roi et de plénipotentiaire. Nommé en récompense écuyer de la future duchesse de Bourgogne, il avait témoigné le désir d’accompagner sa nouvelle maîtresse dans ce voyage de Turin à Fontainebleau que nous avons raconté[2]. Mais il lui avait été répondu « que Sa Majesté le jugeoit plus utile auprès de M. le duc de Savoye qu’il ne l’auroit été à conduire la princesse Adélaïde, » et comme, suivant sa propre expression, il ne savait pas avoir d’autre volonté que celle du maître, il continua de se consacrer sans relâche à ses fonctions

  1. Consulter sur ces négociations, en plus de l’introduction de M. Mignet aux négociations relatives à la Succession d’Espagne qui s’arrête malheureusement à l’année 1679 : la Diplomatie française et la Succession d’Espagne, par Legrelle (1 vol. ) ; Louis XIV et Guillaume III, par Hermile Reynald (2 vol. ) ; Guillaume III et Louis XIV, par Sirlema de Grovestins (8 vol. ) ; Villars, d’après sa correspondance, par le marquis de Vogüé, 2 vol. L’auteur de la savante Storia della diplomazia della Corte di Savoia, que nous avons eu occasion de citer, le sénateur Carutti, est entré dans plus de détails, mais en se plaçant surtout, ce qui est bien naturel de la part d’un Italien, au point de vue apologétique.
  2. Voyez la Revue du 15 août 1896.