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de France les fonctions d’ambassadeur. Mais c’était la première fois que, suivant une des clauses du traité de Turin qui tenaient le plus au cœur de Victor-Amédée, le représentant d’un duc de Savoie allait recevoir à Versailles le traitement d’ambassadeur d’une tête couronnée. Sainctot, l’introducteur des ambassadeurs, dans ses Mémoires encore inédits, qui sont à la Bibliothèque de l’Arsenal, nous explique tout au long en quoi consistait la différence de traitement. Pour l’entrée publique à Paris., le Roi faisait choix sur une liste, dressée par l’introducteur des ambassadeurs, d’un maréchal de France qui devait aller chercher l’ambassadeur et l’accompagner à son entrée. Il en était de même pour l’ambassadeur d’une tête non couronnée. Mais, quand il s’agissait de l’audience publique à la Cour, c’était un prince qui allait chercher l’ambassadeur d’une tête couronnée et le conduisait auprès du Roi. S’agissait-il au contraire de l’ambassadeur d’une tête non couronnée, il devait se contenter d’un simple maréchal. De plus, dans le premier cas, les compagnies des gardes françaises et suisses prenaient les armes, et les tambours appelaient en dehors du palais. Dans le second, elles prenaient les armes en dedans du palais, et les tambours n’appelaient pas. Cependant la Savoie jouissait d’un privilège qui faisait l’objet de l’envie des autres puissances italiennes, et en particulier de la République de Gênes. Pour faire honneur à la duchesse Christine, sa sœur, qui avait épousé le duc Charles-Emmanuel, Louis XIII avait décidé que, pour l’ambassadeur de Savoie, les gardes françaises et suisses prendraient les armes en dehors du palais et les tambours appelleraient.

Conformément à ce cérémonial, le maréchal de Noailles fut désigné pour accompagner le marquis de Ferreiro à son entrée. Le 7 juillet 1697, il l’alla chercher, non point à son hôtel, où il était installé depuis le mois d’avril, mais au couvent de Picpus, où tout ambassadeur nouvellement arrivé était réputé avoir été reçu provisoirement, et où il allait coucher la veille[1], s’il était le représentant d’un prince catholique. (S’il était le représentant d’un prince protestant, il fallait aller le chercher à Rambouillet.) Le marquis de Ferreiro et sa suite montèrent dans trois carrosses magnifiques dont les panneaux étaient ornés de peintures symboliques, « exprimant toutes d’une manière fort vive, dit le Mercure de France, que la paix était sortie de la guerre au moment

  1. Un gentilhomme de la Chambre allait, quelques jours auparavant, prier le supérieur du couvent de vouloir bien prêter son appartement.