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LA PETITE DERMÈRE. 33

obéir au mari dont elle porte le nom et qui est l’éditeur responsable de ses actes... Je suis décidé à ne pas me laisser berner plus longtemps... C’est déjà bien assez d’avoir fait un mariage de dupe...

— Monsieur, protesta à son tour M. Pontal en se levant avec majesté, je vous prie de mieux mesurer la portée de vos paroles...

— Je la mesure comme il faut... et je répète que j’ai été dupé de toutes les façons ! Quand j’ai épousé votre fille, vous m’aviez leurré de l’espoir que, grâce à vos belles relations universitaires, je serais prompte ment nommé à Paris... Je moisis encore en province... Ce n’est pas tout... Aux termes de son contrat, votre lille apportait en dot une somme de quarante mille francs... Je n’en ai pas vu le premier sou !

— De quoi vous plaignez- vous ? repartit M me Pontal, on vous en sert la rente à cinq pour cent.

— On me la sert, oui... Très irrégulièrement et en se faisant fortement tirer l’oreille... Du reste, tant que votre fille a vécu avec moi, elle la dépensait, cette rente, et au delà, pour sa toilette, si bien que j’ai préféré me séparer amiablement de M mc Tonia, en lui allouant une pension de dix-huit cents francs, que je paie, moi, très exactement...

— Enfin, monsieur, où voulez-vous en venir ?

— A ceci, et c’est mon ultimatum. A partir de demain, je cesse le service de cette pension ; votre fille sera libre de réintégrer le domicile conjugal, où elle trouvera le vivre et le couvert, à la condition de remplir convenablement tous ses devoirs... En outre, j’exige le paiement immédiat des 40 000 francs promis. .. Sinon, je demanderai le divorce, et les motifs ne me manqueront pas, je vous l’assure !...

— Voyons, voyons, Desjoberts, gémit l’infortuné Pontal en joignant les mains, vous n’y pensez pas... Un pareil scandale !... Ce serait désastreux pour tout le monde...

— Pour vous, c’est possible... Quant à moi, j’en ai assez, et rien ne m’arrêtera... J’userai de mon droit jusqu’au bout.

— Oui, répliqua amèrement M me Pontal, le droit du plus fort... Je reconnais bien là le brutal despotisme de l’homme abusant d’une loi inique qu’il a faite lui-même... Elle se préparait à exhaler longuement son indignation, quand elle entendit le tintement de la cloche qui annonçait le dîner, et elle s’arrêta net.

TOME CLVIII. — 1900. 3