de se garer du vent aussi bien que du soleil, dormant très peu, souvent malade, il ne se plaignait jamais. Alors même que la violence du mal lui imposait une inaction plus pénible à lui qu’à tout autre, il était aussi patient que courageux. « Je suis moins chagrin, disait-il, des maux auxquels je me trouve sujet, que joyeux de ce qu’ils ne sont pas plus considérables ; » et il était si dur à son corps, que pendant trois semaines, il ne s’apercevait même pas qu’il avait une épaule démise, qu’il fit tardivenent soigner par un rebouteur de Draguignan. De même, quand il s’agit de son devoir, il ne s’émeut de rien. Pendant les longs démêlés du Parlement d’Aix avec le duc de Guise, gouverneur de Provence, celui-ci ayant proféré contre le président d’Oppède les plus violentes menaces, Peiresc, après avoir rendu compte à son frère de ce qui se passe, ajoute simplement : « Vous voyez où l’on en est réduit et qu’il faut courir fortune de sa vie pour faire ce qu’on doit. Cela ne me fait pas peur et ne me fera pas relâcher d’un pas. »
Maître de lui, réglé en tout comme il l’est, Peiresc n’a besoin de rien pour lui-même, car ces livres, ces œuvres d’art, tous ces objets précieux qu’il recherche si ardemment et dont il jouit si bien, ils appartiennent au moins autant aux autres qu’à lui-même. La sagesse avec laquelle les deux frères administrent leur bien et la modération de leurs désirs peuvent seules expliquer comment, avec des revenus assez modiques, ils ont pu faire tant de choses utiles, prodiguer avec tant de générosité des encouragemens aux savans, aux artistes, aux lettrés de leur époque, et non seulement en France, mais dans tous les pays. On comprend le charme que pouvait avoir le commerce d’un homme si délicat et dont les satisfactions n’étaient complètes qu’autant qu’il pouvait les partager avec ses amis. Au dire de ses contemporains, sa conversation était singulièrement instructive et attachante. « Avec sa stature haute et mince, son visage long et mélancolique et un certain air impérieux… ses discours étaient pourtant libres et gais, sans beaucoup de scrupules. » La gravité de son abord devait donner encore plus de prix à ces traits piquans, à ces anecdotes parfois un peu salées qu’il mêlait à ses entretiens comme à ses lettres. Mais il avait horreur des méchancetés, et il ne pouvait supporter la moindre altération de la vérité. Dans les jugemens qu’il portait sur les autres, son indulgence n’était qu’une des formes de sa bonté. Il se peint lui-même d’ailleurs dans le passage suivant