reconnaître au décret-loi ce mérite qu’il a fait un pas important dans cette voie.
Ce qui nous fait émettre cette opinion, c’est la conviction, presque généralement partagée aujourd’hui, qu’une législation trop anodine a donné naissance, et ne pouvait donner naissance qu’à une presse tellement dégénérée, qu’elle est devenue un péril public. Un trop grand nombre de journalistes, et, d’autre part, le gouvernement, le jury et le public lui-même, ont, les uns par perversité, les autres par mollesse ou par une coupable complaisance, favorisé l’éclosion d’une presse qui n’est plus que l’instrument des plus basses passions politiques, et, souvent aussi, des plus vils intérêts matériels. Ainsi, par suite de cet ensemble de fautes accumulées, on a laissé se créer, en divers pays, un état de choses si anarchique et si menaçant, que la nécessité apparaît aujourd’hui d’y porter un prompt remède. Aucun de ceux qu’on propose, il est vrai, ne laisse de présenter certains inconvéniens. Mais on se résigne à les subir, tant le mal se montre sous une apparence menaçante.
Certes, toute restriction apportée à la liberté est déplorable en soi. Aussi conçoit-on que certains théoriciens du droit public, ou même des parlementaires auxquels n’incombe, directement, aucune responsabilité gouvernementale, soient facilement portés à en faire un crime au pouvoir qui en prend l’initiative. Mais, quand on songe aux difficultés croissantes dont la tâche de ce pouvoir doit être de plus en plus hérissée, à mesure que les particuliers deviennent, par l’usage même de la liberté, plus enclins à en abuser aux dépens de la société prise dans son ensemble, alors, sans aller aussi loin que la Cour d’appel de Milan, qui justifierait presque l’arbitraire au nom de la raison d’Etat, on se sent disposé, cependant, à lui faire certains sacrifices nécessaires.
ALCIDE EBRAY.