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POÉSIE

EN FORÊT


LES HÊTRES


Au plus profond de l’ample et sauvage forêt,
Dans une solitude et des demi-ténèbres
Qu’à peine osent troubler quelques soupirs funèbres,
Tout à coup, la futaie effrayante apparaît.

Elle apparaît superbe et dix fois séculaire,
Telle une cathédrale aux mobiles arceaux
Dont les piliers seraient des hêtres colossaux,
Qu’un jour mélancolique et presque morne éclaire.

Celui qui s’aventure en tremblant jusque-là
Eprouve une terreur indicible et sacrée ;
Et toute âme est d’angoisse à jamais pénétrée
À qui la fière voix des vieux hêtres parla.

Car, en ce lieu fatal où planent des mystères,
Où meurent des appels nostalgiques de cor,
Tragiquement hanté, l’esprit évoque encor
La farouche grandeur des légendes austères.

Parfois, quand se déchaîne un de ces ouragans
Dont par degrés s’accroît l’épique véhémence,
Chaque ancêtre révèle enfin sa force immense,
Et leur groupe s’exalte en défis arrogans.