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en échos lointains dans cette morale, au point de la réduire à n’être que l’art de savoir qui il faut massacrer. Si tu as épousé la guenon de Nod, tue-la ; mais, si tu as épousé un vibrion, fais-le tuer ! Claude tue sa femme, Clarkson tue le duc de Septmonts, M. de Terremonde tue M. de Fondette. Le moraliste a gardé le tour d’esprit mélodramatique ; de là vient cette peu chrétienne introduction de l’emploi des armes à feu dans la morale.

Il va sans dire que Diane de Lys n’est pas jouée selon l’esprit du texte. Il y faudrait de l’emportement, de la jeunesse ; les artistes de la Comédie-Française y ont mis de la sagesse, de la conscience, de l’autorité. C’est un perpétuel contresens. Cette réserve faite, nous n’avons plus qu’à louer l’interprétation. Mlle Bartet joue le rôle de Diane de Lys en comédienne incomparable pour le tact, le charme, la sûreté. Elle possède au plus rare degré cette qualité si rare, le goût. Et c’est ce qu’on ne saurait trop admirer en elle. A force d’adresse et de juste sentiment des nuances elle fait tout accepter, sauve les situations les plus scabreuses et fait passer les pires absurdités. M. Albert Lambert qui est, à la fougue près, un assez bon jeune premier romantique, tient très convenablement le rôle de Paul Aubry. M. Delaunay a de la distinction dans celui du comte de Lys. M. Leloir est un Taupin pittoresque, mais bien solennel. Un des rôles de femmes était tenu par Mlle Henriot qui vient de mourir si tragiquement.


Les Fourchambault ne sont pas une des meilleures pièces d’Emile Augier, et le théâtre d’Emile Augier traverse cet âge ingrat où les meilleures pièces d’un auteur nous paraissent moins bonnes qu’elles ne sont. Ajoutez les défaillances d’une interprétation fort insuffisante. Cela explique que cette reprise ait fait saillir surtout ce qu’il y a dans l’ouvrage de plus défectueux. Il semble que ce drame, qui oppose la famille selon la nature et la famille selon la loi, ait dû, dans sa conception première apparaître à l’auteur sous la forme de certaines images d’Épinal. Lorsqu’elle sentit son cœur parler, Mme Bernard suivit bonnement la loi naturelle : abandonnée par son séducteur, elle pleura mais ne perdit pas courage ; désormais on lui vit des vêtemens noirs et les yeux rouges ; pour la remercier de l’excellente éducation qu’il lui devait, son fils, tantôt la traitait de sainte et tantôt de bête à bon Dieu ; doué d’une force peu commune, Bernard dompta une révolte à bord : actif et entreprenant, Bernard amassa une fortune de trois millions moins trois francs. Et voilà les braves gens. Voici les autres. Pour obéir à son père et toucher une forte somme, M.