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Page:Revue des Deux Mondes - 1900 - tome 158.djvu/785

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ses bras la petite fille du chef, la laissa tomber et fit jeter par-dessus bord le pauvre roi, que ce bain inattendu ne rendit pas plus sympathique à l’endroit des Anglais. Honteux et dépité, le commandant du Herald cingla vers Sydney et s’en fut conter sa mésaventure à son commodore. Le malheureux gardait en poche depuis plusieurs mois l’ordre d’occuper la Nouvelle-Calédonie ; en apprenant la fatale nouvelle, il tomba foudroyé.

C’est ainsi que la France acquit la Nouvelle-Calédonie par l’énergie et le patriotisme de ses marins et de ses missionnaires. Déjà, des uns et des autres, plusieurs avaient péri sur les récifs de ces côtes inhospitalières ou sous les coups des indigènes, et leur sang versé avait fait cette terre française avant qu’y flottât le drapeau tricolore[1]. Les missionnaires, en travaillant à ouvrir au Christ l’accès de ces âmes primitives, avaient, du même coup, préparé les voies à la France ; les marins, qui avaient les premiers exploré ces parages dangereux, en avaient aussi, par leur audace prudente, assuré à notre patrie la possession. Ainsi tous avaient collaboré à cette double action conquérante et civilisatrice qui a été et qui est encore l’honneur de notre race dans son expansion outre-mer.


I

En évoquant, au seuil de ces quelques pages, le souvenir des temps épiques de la prise de possession, en les plaçant sous l’invocation de ces hommes de foi ardente et d’abnégation patriotique qui ont donné à la France la Nouvelle-Calédonie, nous avons voulu, avant de chercher où en est et où va notre colonie océanienne, indiquer d’où elle vient et jeter comme un reflet d’héroïsme et de désintéressement sur une étude où il sera question surtout d’intérêts matériels et où nous devrons suivre, en même temps que les progrès d’une colonie, les ravages des passions et des querelles politiques. — Sans autre préambule, nous examinerons d’abord quelle place l’île aperçue pour la première fois par Cook, en 1774, occupe aujourd’hui dans la vie générale de l’Océanie et comment pourrait grandir son importance.

  1. Il faut lire, dans l’émouvant récit du P. de Salinis (Marins et missionnaires, Conquête de la Nouvelle-Calédonie, 1843-53. Victor Retaux, 1892), l’histoire, écrite d’après des témoins oculaires, de la prise de possession de l’île par la France.