succession d’Espagne il lui soit rien resté que l’honneur de faire son compliment et l’idée de marier sa fille[1]. »
Comme compensation à cette douleur, Victor-Amédée, qui sentait le besoin qu’on avait de lui, aurait bien voulu qu’on lui assurât, suivant l’expression qu’il avait toujours à la bouche, quelque avantage. Tantôt il revenait sur le paiement de la dot de l’infante Catherine[2] ; tantôt, le Roi ne pouvant forcer ces Espagnols, mauvais payeurs, à s’exécuter, il soulevait, sous une autre forme, la question du Montferrat, et demandait que les droits héréditaires que le duc de Lorraine prétendait de son côté sur cette province lui fussent cédés, sauf à Louis XIV à trouver un dédommagement pour le duc de Lorraine. Louis XIV refusait et Victor-Amédée, piqué de voir échouer toutes ses demandes, se réfugiait dans une abstention hostile. Comme Phelypeaux le pressait de donner réponse formelle sur le passage des troupes : « Le Roi, répondait-il, est le maistre de faire quand il luy plaira passer des troupes par mes estats. Il est si puissant qu’il n’a pas besoin pour cela de mon consentement. » Et, comme Phelypeaux insistait pour que certaines dispositions fussent prises en vue de la nourriture de deux régimens de cavalerie prêts à franchir la frontière, Victor-Amédée répondait « qu’il n’étoit pas le fermier de ses sujets pour traiter de leurs denrées avec un commissaire[3]. »
À ce refus déguisé Louis XIV répondait par une dépêche irritée. Il ne reconnaissait pas à Victor-Amédée, qui avait promis le passage aux troupes françaises, le droit de se rétracter ainsi sans aucun sujet, et, après avoir traité la conduite de Victor-Amédée d’irrégulière, il mandait à Phelypeaux de s’en expliquer nettement avec lui. Phelypeaux s’acquittait de ses instructions sans ménagemens[4]. Il demandait pour les troupes du Roi le passage sans conditions, « après quoi, disait-il à Victor-Amédée, Votre Altesse Royale pourra, autant que le permet la différence des affaires présentes, entrer avec Sa Majesté dans des nouvelles liaisons conformes au traité d’action fait en 1696. » Mais, en même temps qu’il lui offrait ainsi un traité d’alliance, Phelypeaux avait la maladresse d’emprunter à la dépêche de Louis XIV le mot d’irrégulière