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le jour. En effet le poète ne s’intéressait plus qu’à la théorie, et « ne voulait plus être que théoricien. » Il devint l’hôte assidu de la bibliothèque royale, dévora Aristote, Winckelmann, Lessing, Proudhon même qu’il cite à plusieurs reprises et qu’on ne s’attendait guère à trouver en cette illustre compagnie d’esthéticiens. Dans tout cela, il ne rencontra pas ce qu’il cherchait, c’est-à-dire la véritable formule de l’art, et il résolut de voyager pour changer le cours de ses idées. Il traversa la Hollande, la Belgique, enfin gagna Paris.

La première chose qui le frappa dans notre capitale, ce fut, à l’étalage d’une boutique de librairie du boulevard, sept gros volumes à couverture jaune : les œuvres critiques de M. Emile Zola. « Et moi, malheureux, qui ne connaissais pas un seul des sept ! Toutes mes blessures, déjà presque cicatrisées, se rouvrirent et se reprirent à saigner... Le soir même, en mon cinquième étage de la rue de Miromesnil, je m’assis devant les sept sages... et me sentis fort désappointé. »

N’importe, malgré son désappointement, Holz était pris par l’engrenage du naturalisme, et ne put se dégager. On étonnerait bien M. Steiger, dont nous avons dit les hautes ambitions pour l’avenir littéraire de sa patrie, si on lui insinuait que l’âge dramatique du monde est peut-être né dans cette mansarde du quartier du Roule. En effet, à la fois conquis et insatisfait, le voyageur écrivit, dans la nuit même, un essai intitulé : Zola théoricien, pour réfuter et compléter le père des Rougon-Macquart.

Il lui reprochait surtout d’avoir, malgré son prétendu naturalisme, accepté tout fait cet axiome de Taine : « L’essence de l’art ne consiste pas dans la reproduction exacte de la nature. » C’est le contraire qui est vrai, dit Holz. Qu’importe que la longue série des romans de Zola ait serré la nature de plus près qu’on ne l’avait fait jusque-là ? S’il est en progrès dans la pratique, leur auteur est « stationnaire en théorie. » Il était réservé à l’Allemagne, comme nous allons le voir, de marcher de l’avant sur ce terrain.

Rentré à Berlin, et les poches remplies de plans de travail, Holz continua cependant de n’arriver à rien. Ses doutes théoriques « se jetaient entre ses jambes comme des bâtons, » dès qu’il se mettait à l’œuvre. Il se fatigua vite d’essais infructueux, dit encore une fois adieu à ses manuscrits, et se replongea dans les gros livres. Cette fois, ce furent Mill, Comte, Spencer et