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Page:Revue des Deux Mondes - 1900 - tome 158.djvu/862

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Darwin qui passèrent par ses mains. Mais il était enfin sur la bonne voie, à l’école de ces penseurs. Il reconnut les grandes destinées de la sociologie, cette science de l’avenir, qui fera de l’humanité, jusqu’ici esclave de ses propres erreurs, la maîtresse de sa future évolution.

Or, l’art étant un des phénomènes sociaux qu’il importe d’étudier de près, comme manifestation éminente de l’activité humaine, l’esthétique doit former une des branches de la sociologie. Il faut faire pour la doctrine de l’art ce que Marx a fait pour l’économie politique : l’élever à la dignité de science incontestable. Et, loin de s’arrêter en si beau chemin, Holz ajoute sans sourciller : « Les lois de l’évolution artistique doivent se ramener à une seule ; principe unique, qui expliquera tout dans ce domaine, et permettra de prévoir l’avenir littéraire du monde, avec autant de facilité qu’un astronome calcule la position future d’une planète, dont l’orbite est bien étudié. » Ne reconnaît-on pas la grande erreur du siècle, dans cette incroyable confusion entre la méthode des sciences sociales, et celle des sciences exactes ? Voilà pourtant notre homme lancé à la recherche de la loi fondamentale de l’art. Suivons son raisonnement audacieux, qui nous rappellera plus d’une fois les méthodes logiques de ce Marx objet de son admiration, et au cours duquel nous retrouverons jusqu’aux équations algébriques qui ornent le Capital du philosophe collectiviste.

Il semble, au premier abord, que, pour mener à bien l’œuvre entreprise par lui, notre jeune théoricien aurait dû préalablement étudier toutes les manifestations connues de l’art. La tâche lui parut trop considérable, et il trouva un moyen bien simple de tourner la difficulté. Ne suffit-il pas en effet de raisonner sans scrupules sur l’art, comme Newton ou Lavoisier ont raisonné sur la science ? La loi inconnue de la beauté, qui est à la base de cette infinité de faits artistiques, est donc aussi à la base de chacun d’entre eux. On pourra se contenter d’en étudier un seul : le tout est de le bien choisir. Il importe, pour cela, de considérer une œuvre d’art indiscutable, car ce mot a pris trop d’extension dans le langage courant, qui l’applique souvent sans discernement. Les monumens de la peinture paraissent satisfaire à cette première condition, car celle-ci est un art, du consentement de tous. — Notre auteur étudier a-t-il cependant une fresque pompéienne, par exemple, ou bien la madone de Saint-Sixte ? Ce serait trop compliqué