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61 francs sur le brut et à 64 sur le raffiné. On calcule que les primes payées à l’exportation au cours d’une campagne représentent environ 15 millions, soit le sixième ou le septième de la valeur du sucre exporté. C’est donc le consommateur français qui a vu s’élever encore le coût de cet aliment si utile, afin de permettre à une industrie de maintenir sa production à un niveau rémunérateur.

Les pays qui, comme l’Angleterre, sont plus préoccupés, dans leur législation fiscale, de l’intérêt du consommateur que de celui du producteur, ne devraient pas, semble-t-il, faire d’objections à un état de choses qui a des résultats aussi favorables pour l’ensemble de leur population. Si toutefois la Grande-Bretagne a élevé dans les derniers temps la voix pour se plaindre, c’est qu’elle a elle-même été assaillie des réclamations de certaines de ses colonies. Notre revue rapide de la législation sucrière dans les divers États ne serait pas complète si nous ne donnions quelques détails sur les préoccupations qui règnent à cet égard de l’autre côté de la Manche. A la fin de 1896, le gouvernement nommait une commission chargée d’une enquête aux Indes occidentales, c’est-à-dire la Jamaïque, la Guyane britannique, la Trinité, Tobago, Barbados, Grenada, Santa-Lucia, Saint-Vincent, Antigua, Saint-Kitts-Nevis, Dominica, Montserrat, les îles de la Vierge. Ces divers territoires renferment une population de 1 700 000 habitans, qui se plaignent de l’état de dépression dans lequel l’industrie sucrière est tombée et de l’abandon progressif des cultures de cannes. Les commissaires reçurent pour instructions d’examiner si vraiment cette industrie était en danger de mort, et comment, en cas de disparition, elle pourrait être remplacée. Ils se sont rendus dans ces diverses colonies, ont fait comparaître plusieurs centaines de témoins, y compris les raffineurs de sucre anglais, qu’ils ont entendus lors de leur retour à Londres. Plus de la moitié des exportations des Indes occidentales consiste en sucre, rhum et mélasses, c’est-à-dire les produits de la canne, dont les prix n’ont cessé de fléchir dans les dernières années. La commission s’est demandé s’il est possible d’en relever les cours ou d’abaisser le prix de revient. Les producteurs coloniaux affirment que ce sont les primes directes ou indirectes accordées en Europe au sucre de betterave qui les ruinent. On leur objecte que ces primes permettent à la Grande-Bretagne de recevoir le sucre fabriqué dans ces contrées à des prix extrêmement