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matière. C’est un des caractères de cette législation et sur lequel nous avons tenu à attirer l’attention de nos lecteurs. Il est du reste commun à beaucoup de points de notre vie économique, qui reçoit de plus en plus le contre-coup de celle des autres pays.

En tirer des conclusions générales dépasserait les limites de cette étude. Mais il est bon d’avoir présentes à l’esprit ces conditions nouvelles du monde moderne, conditions qui s’imposent si impérieusement. Les nations ont beau vouloir se retrancher derrière leurs frontières naturelles ou artificielles, et poursuivre la recherche de leur intérêt en dépit ou au mépris des intérêts des autres ; une loi d’airain, plus forte que les volontés individuelles ou même que celles de ces individualités puissantes qui s’appellent des États de 30, 40 ou 100 millions d’hommes, les courbe sous son joug et les force à tenir compte de ceux qui vivent à côté d’eux, dont ils ont besoin et qui ont besoin d’eux. La marche de l’humanité tend à un équilibre des forces productives et consommatrices. Des obstacles divers s’y opposent : les principaux naissaient autrefois des distances et de la difficulté des communications. Le siècle qui finit a vu s’accomplir sous ce rapport des progrès, auprès desquels tous ceux des époques antérieures paraissent mesquins ; ces progrès ont provoqué de telles révolutions dans la situation respective des pays que beaucoup d’entre eux ont cherché, par leur législation douanière et fiscale, à revenir en arrière et à corriger les effets de ce rapprochement des producteurs et des consommateurs. Nous avons réussi à développer en France une culture betteravière considérable, qui sert de base à une industrie importante. Celle-ci produit plus de sucre que le pays n’en consomme. S’il est relativement facile de lui assurer le monopole du marché intérieur en frappant la marchandise étrangère d’un droit d’entrée prohibitif, il n’est pas au pouvoir du gouvernement d’assurer à nos exportateurs l’accès des marchés du dehors, où ils rencontrent une concurrence difficile à combattre. Comme, d’autre part, notre agriculture et nos fabriques sont organisées pour une production très supérieure à la capacité d’absorption ou tout au moins d’achat des Français, le problème est menaçant. Certes, si on réduisait les droits sur le sucre, qui en triplent le prix pour les habitans de la France, nous arriverions peu à peu à consommer tout ce qui se produit sur notre territoire, puisque la Grande-Bretagne, avec une population sensiblement égale à la nôtre, consomme près de deux fois