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Page:Revue des Deux Mondes - 1900 - tome 158.djvu/895

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de droits fiscaux élevés, soit par les mesures protectrices que les gouvernemens édictent en faveur d’industries qu’ils ont au préalable mises largement à contribution. Certes le libre-échangiste le plus convaincu ne peut aujourd’hui demander au gouvernement français de renoncer aux 180 millions que lui rapportent les divers droits établis sur le sucre. D’autre part, l’enchevêtrement de la législation fiscale intérieure et des rapports internationaux complique étrangement les choses et nous condamne à vivre au jour le jour ; il nous faut à la fois conserver une source de revenu qui représente un dix-huitième de notre budget, éviter de nuire à une industrie qui est prospère et qui rend, par voie indirecte, de grands services à notre agriculture, et avoir constamment les yeux fixés sur le dehors, afin de ne pas provoquer chez d’autres pays des mesures de représailles qui auraient leur contre-coup chez nous.

Les rêves des économistes sont d’accord avec ceux des philanthropes, lorsqu’ils entrevoient une organisation de l’humanité telle que les conditions de la production ne soient faussées ni par les impôts ni par les droits protecteurs. Mais les divers pays sont aujourd’hui trop férocement armés les uns contre les autres pour que ces rêves soient près d’être réalisés. Le seul progrès obtenu au cours des derniers siècles est que, les territoires sur lesquels existe une communauté d’intérêts devenant de plus en plus vastes, les unités indépendantes qu’il s’agit de mettre d’accord sont moins nombreuses. Il y a moins de barrières douanières et autres qu’au moyen âge. Mais ce progrès lui-même est peut-être fragile : des dispositions comme celles que nous avons indiquées pour les détaxes de distance établies en France tendent à créer une inégalité entre les divers établissemens d’un même pays adonnés à la même industrie et à empêcher, jusqu’à l’intérieur des frontières, la concurrence de s’exercer librement. Le législateur est donc condamné, du moment où il ne peut conformer ses décisions aux principes supérieurs de la logique et de la raison, aux complications et aux changemens. Il en est réduit à attendre la succession des événemens, à faire dépendre sa volonté de celle des autres, à modeler nos lois sur les leurs. Notre réglementation sucrière intérieure, que nos représentans à Bruxelles, en 1898, refusaient avec raison de soumettre à l’examen et à la discussion d’une conférence internationale, ne saurait cependant se soustraire à l’influence des événemens du dehors et des lois étrangères sur la